Pourquoi est-ce que viens raconter tout ça dans mon petit dossier Shincha 2010 ? Le lecteur avisé l'aura compris, c'est que j'ai mis la main sur un sencha, un thé japonais nouveau cultivé à Tôkyô, Tama, ville de Tachikawa 立川市. Proche du centre, Tachikawa reste me semble-t-il un endroit urbanisé, en tout cas, pas du tout en montagne.
Tôkyô est une toute petite région productrice, 144 ha, contre 19200 pour Shizuoka. On ne parle pas de "Tôkyô-cha", non, le thé produit à Tôkyô est appelé Sayama-cha 狭山茶, tout comme celui produit dans le département de Saitama, juste au nord de la capitale.
Je suis tombé par hasard sur un petit évènement, exposant des produits agricoles du département de Tôkyô. Un marchand de thé s'y trouvait présent. Les différents thés proposés montraient tous un très bel aspect, le plus cher était cueilli à la main, mais c'est finalement la "version" en dessous sur laquelle se porta mon choix : raison, le cultivar, Sayama-kaori, alors que les autres étaient tous de classiques et sans surprise Yabukita.
Sayama-kaori est un cultivar un peu hâtif qui fut développé par le Centre d'expérimentation en thé du département de Saitama et enregistré en 1971. Cette variété connue très vite un grand succès, propulsée par ses qualités sur le devant de la scène des cultivars à sencha. Sa plus grande qualité, une grande résistance au froid, critère très important même à Shizuoka. Les récoltes sont abondantes, et le thé obtenu est très parfumé. Néanmoins, depuis quelques années, son succès tend à diminuer... il faut dire que ce cultivar est loin d'être exempt de défauts : une astringence qui à tendance à ce faire trop remarquer, tendance des feuilles à noircir et de la liqueur à laisser apparaître des reflets bruns, et grande faiblesse face aux maladies. Il n'en reste pas moins à la 4ème ou 5ème place des cultivars les plus utilisé, après notamment Yabukita, Yutaka-midori, oku-midori.
Franchement, ce thé nouveau de Tôkyô a bien su éviter les travers du Sayama-kaori. C'est un fuka-mushi sencha, que certain appelleront chû-mushi, temps d'étuvage moyen aux vus des habitudes actuelles. Peu de poudre, les feuilles dans l'ensemble conservent une belle forme d'aiguilles, très fines et uniformes. La couleur est également d'un beau vert profond, sans reproche, avec du lustre. Le coloris de l'ensemble est perturbé, ce n'est pas par manque d'uniformité de la teinte de feuilles elles-mêmes, mais plutôt par quelques fines tiges passées au travers du triage.
Après infusion, on voit une liqueur verte, qui ne tire pas sur le jaune, et encore moins sur le brun (allez, disons quand même qu'il vaut mieux faire attention au temps d'infusion, en approchant de la minute, peut être, soyons honnête, que l'on peut vaguement apercevoir ces petits défaut du Sayama-kaori). Sur ce point, pas de quoi se rouler par terre, mais c'est quand même du bon niveau.
Friand ces derniers temps de sencha qui laissent se délecter de ce que j'appellerai une "luxueuse astringence", ce thé est l'un mes plus grands coup de cœur depuis plusieurs mois. D'une très très grande qualité pour son prix (1500 yens), il est aussi une petite rareté, un thé "made in Tôkyô", une grande surprise.
Avec grand retard, la première récolte 2010 arrive sur sa fin. Les Sayama arrivent peu à peu, Uji traîne encore un peu la patte, mais il ne s'agit plus que d'une question de jours...... reste alors à venir les thés de Murakami, venant du département de Niigata, limite nord de culture économique du thé au Japon. Ce ne fût pas sans peine cette année, mais malgré tout (retard, cour du marché très très cher, faibles quantités, etc), des thés formidables ont cette année encore vu le jour...... reste alors à se battre pour tenter de transmettre ces trésors aux japonais, qui décidément trop nombreux (et de plus en plus) à ne pas savoir ce qu'ils ratent !