Un concert de Milk, Coffee & Sugar c’est comme une sorte de grande réunion de famille. Le public appelle les chanteurs par leurs prénoms (Gaël et Edgar) et est d’une réactivité sans faille. Ce soir au Nouveau Casino, le concert sonne comme une consécration pour le duo. L’album vient tout juste de sortir et il y a de fortes chances pour que la salle qui est bondée le possède déjà. Sur scène les deux compères signés chez 6D Production sont accompagnés d’Arnaud Renaville, batteur et programmateur, et de Guillaume Poncelet préposé aux claviers, rhodes et trompettes.
La performance commence rapidement et les titres du tout nouvel album s’enchaînent. Les musiciens sont parfaitement réglés. Le rythme est régulier, et enlevé malgré le tempo assez moyen de la plupart des morceaux. Gaël et Edgar se complètent très bien au micro mais aussi sur la petite scène du Nouveau Casino. Si le groupe vient à peine de sortir son premier album, on sent bien rejaillir leur expérience de la scène travaillée pendant près de cinq ans entre les soirées slam et les concerts. Sur leur morceau phare « Alien » la salle retient son souffle jusqu’à la dernière note de piano pour exploser comme pour relâcher la tension installée par les couplets slammés de Gaël Faye. Pour « Je Vis » la salle répond du tac au tac aux injonctions des deux artistes et crie « je vis » avec grande conviction à chaque refrain.
Après le très émouvant « Hope Anthem » avec le chanteur Jali au refrain, interviennent des danseurs traditionnels donnant une performance qui ravit la salle et permet une petite pause pour le duo et ses musiciens. Le collectif slam « Chant d’Encre » dans lequel officie Edgar et Gaël investit la scène pour participer au morceau « Parce que » et invectiver la foule à coup de « Parce que » incessants auxquels le public répond avec autant d’entrain. Le feu redescend pour le morceau « Restavec » sur lequel Edgar Sekloka installe une ambiance triste et nostalgique en parlant d’Haïti, sa pauvreté, sa riche culture et son histoire. Le concert avance et Beat Assailant rejoint la scène pour interpréter « Première fois » qui met en valeur le côté hip-hop de MC’s qui est presque plus proéminent que le côté slam si tant est qu’il y ait une différence très marquée dans le cas de ce groupe tant leur diction est rythmée. Plus on avance et plus les titres s’allongent. Le public semble apprécié la fin en apothéose du morceau « Café Zèbre » avec Marie M.
Après un premier rappel, le groupe réapparaît sur scène et les deux rappeurs/slammeurs s’adonnent à des performances techniques et lyricales individuelles histoire de rappeler que l’écriture n’est pas leur seule qualité. S’en suit un second rappel durant lequel Gaël interprète un titre solo nommé « Ma femme » là encore basé sur des invectives régulières avec l’expression « Ma femme ». Le concert se termine ensuite sur les hourras de la foule massée dans l’enceinte étriquée du Nouveau Cas’.
Deux heures viennent de passer, les MC’s ont interprété tout leur répertoire et ont brillamment alterné entre rythmes lents et moyens, rap et slam, euphories et moments solennels. Une performance qui les placent assez solidement parmi les groupes français les plus complets.
écrit par Big Ad, photographies de NicoBozino
Votre musique rap est très variée. Pour moi, vous vous situez quelque part entre des Hocus Pocus et la Rumeur. Quelles sont vos références musicales ? Comment définiriez-vous votre style de hip-hop très hétéroclite ?
Nos références musicales sont plurielles, elles sont un mélange de toutes nos influences. Pour ce qui est de notre musicalité soul-jazzy, nous essayons d’aller vers nos modèles, de The Roots à Outkast en passant par Black Star et Q-tip. Au niveau des textes, on essaie de tendre vers the Last Poet et G.S. Heron. Notre univers musical se veut précisément doté de musiciens mais aussi de programmations, ce qui peut faire penser au travail de minutie accompli par Hocus Pocus, or ils ont quand même 4 albums à leur actif, nous, c’est notre premier, nous sommes donc touchés par la comparaison. Au niveau de l’écriture, il y a un engagement qui se dessine très clairement dès le premier morceau de l’album (Alien), censément, on peut faire penser à des groupes tels que la Rumeur ou IAM, là encore d’illustres références.
Pour résumer, notre musique est plurielle, douce et tonique à la fois, pour servir des textes tranchés qui reflètent nos vies, nos rêves et nos coups de gueules.
La plupart de vos textes sont très d'actualité. Bien sûr vous extériorisez comme une colère très légitime mais elle semble plus vive et enflammée aujourd'hui. D'où ma question... pensez-vous que le rap gagne en revendication et en qualité lorsque tout va moins bien ?
Le rap est une musique sociale, une musique qui porte un message ou un regard sur son environnement. L'image d'Épinal fait du rap une musique contestataire et revendicative. Or elle porte aussi très souvent en elle des volontés de réussite sociale et conforte les relations de dominations (rap game, bling bling, egotrip...etc)
Vous avez été en première partie d'Oxmo Puccino à la Cigale le 5 Mai dernier. Quel effet ça fait d'être choisi par un artiste de renom tel que lui et d'ouvrir pour son concert ?
Que monsieur Puccino, qu’un tel monument du rap daigne nous accorder sa première partie dans une salle de 1200 personnes, juste pour saluer votre travail, ça donne beaucoup de baume au cœur et ça rassure sur les valeurs de partage intrinsèques au Hip-Hop. Pour reprendre ses mots, il « nous suit et nous soutient », et ça fait extrêment plaisir, surtout lorsque l’on se bat seuls, en auto-production, pour faire vivre notre passion.
Le traditionnel message de fin pour les streetbloggers ?
Allez chercher derrière les rayons, là où la musique indépendante fleurit, vous y trouverez un café au lait dont le sucre pourrait vous ravir.
Leur album est exactement à cette image : corsée dans les textes, laiteuse pour le flow et carrée comme du sucre. Un hip-hop intelligent et métissé variant du Slam stylé ambiance café-jazz (« Elle(s) » et le soulful « Café Zèbre ») à du rap revendicateur traitant de la crise sociale actuelle (emploi, injustices sociales,...), et des méfaits du colonialisme, sans aucun tabou. Parmi les guests, un invité de choix vient prêter main forte aux MCS : l'américain Beat Assailant. De la matière dans les messages, du groove dans les beats, différentes atmosphères, des humeurs changeantes, cela donne une musique rap aux multiples arômes, pour tous les goûts et de toutes les couleurs.Et pour votre gouverne, sachez que les Milk Coffee & Sugar vous donnent rendez-vous le 24 Juin au Festival Paris Hip-Hop.
www.milkcoffeeandsugar.com