Jeannette Bougrab, nommée en avril par le président de la République pour présider la Halde, s'était prononcée contre une "dilution" de cette institution au sein du Défenseur des droits devant la commission des lois de l'Assemblée nationale.
Et bien malgré ses remarques : " ... / ... Le collège remplaçant la Halde comportera 11 membres dont 4 désignés par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, 2 par le Premier ministre ... / ... " - Source AFP/Google
Il faut dire que le départ de Louis Schweizer, (qui avait fait un assez bon travail, qu'il justifiait sur France Inter chez Nicolas Demorand ) n'augurait rien de bon pour la suite. Il n'en faisait d'ailleurs pas mystère à la fin de l'interview.
Il rappelait que : " de 1500 à sa création, le nombre de saisine était passé en 2009 à 10 000 en 2009" et précisait que : " 50% des saisines sont liées à l'emploi !" (voir vidéo à 3') et donnait des exemples à l'appui
Vers la fin de l'interview, Nicolas Demorand lui demandait : " la Halde est-elle sanctuarisée" et obtenait un laconique : " Il faut toujours être un peu inquiet " de la part de Louis Schweitzer
Cette inquiétude vient de se matérialiser puisque, les sénateurs de l'UMP, prétextant des raisons d'efficacité et d'économies, ont décidé de pratiquer une forme de "discrimination négative" à l'encontre de la Halde en la "diluant" dans la nouvelle fonction de "défenseur des droits"
La privant par la même de son indépendance et modifiant au passage certains de ses champs d'intervention !
De quelle façon ?
La fonction du Médiateur de la République va évoluer selon les termes de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, ainsi que l'explique Legifrance :
" ... / ... Le rôle et l’existence du Médiateur sont appelés à évoluer avec la création par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 du Défenseur des droits (nouveau titre XI bis de la Constitution). Son rôle sera de veiller « au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences .. / ... ( Voir plus bas Titre XI bis - Le Défenseur des droits )
Il pourra « être saisi […] par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d’office ». Le Défenseur des droits sera nommé par le président de la République après accord des commissions compétentes des assemblées, son mandat sera de six ans non renouvelable ... / ... " Source Vie Publique
Texte "Titre XI bis - Le Défenseur des droits" sur Legifrance
Art. 71-1. - " ... / ... Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences. ... / ... Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement ... / ... "
Mais alors que risquent de devenir les 50% de saisines dues à l'emploi dont parlait Louis Schweitzer ?
Comme l'explique le Président de la section LDH de Saint-Denis à La Réunion : " ... / ... Ces amendements permettent aussi de réduire le champ de la lutte contre les discriminations au seul secteur public, le défenseur étant incompétent en matière privée. Les victimes de discriminations du fait des entreprises, des gestionnaires de logements privés, des commerces ou des autres citoyens n'auraient plus cette voie de recours ... / ... " Source Zinfo974
Il faut dire que dans le domaine des discriminations à l'emploi, la Halde a obtenu quelques réussites dont elle des exemples sur son site
" ... / ... une femme licenciée obtient près de 42 000 euros d'indemnités devant le Conseil de Prud'Hommes de Nantes. Une pharmacie est condamnée à verser à une de ses salariées discriminée près de 42 000 euros, dont 33 000 euros à titre de dommages-intérêts. La salariée avait saisi la HALDE car elle estimait avoir été licenciée en raison de son handicap. Reconnue « travailleur handicapé », à son retour d’un arrêt maladie, des aménagements d’horaires non conformes aux préconisations du médecin du travail lui avaient été proposés ... / ... " Source La Halde
Et soulève des questions qui doivent énerver bon nombre de DRH et responsables patronaux
"Egalité au travail, où en est-on aujourd’hui ? Les salariés des entreprises françaises et les agents du service public se sentent-ils discriminés ? Comment et à quel moment les discriminations se manifestent-elles ? Comment évoluent les pratiques de prévention des discriminations dans les grandes entreprises ? Pour répondre à ces questions, la HALDE publie deux outils : le baromètre sur l’égalité au travail ... / ... " Source La Halde
De là, il y a fort à parier que la phrase "culte" de Laurence Parisot : " La liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail " ne s'enrichisse de la variante suivante : " La liberté de penser s’arrête là où commence ... la discrimination à l'emploi"
Quant à nos dirigeants politiques dopés aux exploits de Brice Hortefeux et d'Eric Besson, le nouveau dispositif devrait faire leur bonheur !
Alain Piriou sur son blog nous décrypte la manoeuvre des Sénateurs UMP : " ... / ... En fait, une seule compétence n'a pas été reprise par la commission des lois du Sénat. Elle est décrite à l'article 11 de la loi relative à la Halde, qui dispose : « La haute autorité peut formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu'elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement. » Son équivalent, dans le nouveau texte (article 21), est devenu : « Le Défenseur des droits peut faire toute recommandation qui lui apparaît de nature à garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et à régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement. » ... / ...
Et Alain Piriou de préciser que : " ... / ... c'est au nom de cet article 11 que la Halde avait adressé au gouvernement des recommandations sonnant comme de sévères critiques envers la législation en vigueur. On se souvient en particulier de l'avis de la Halde sur les tests ADN pour les candidats au regroupement familial, mais aussi de rapports spéciaux publiés au Journal officiel, comme celui recommandant au gouvernement d'ouvrir la pension de réversion aux couples pacsés ou celui demandant de mettre fin à diverses discriminations subies par les « gens du voyage ». Certaines de ces interpellations avaient passablement agacé les parlementaires, et particulièrement Jean-Jacques Hyest, le président de la Commission des lois du Sénat, qui n'a jamais caché son intention de tirer sur la bride ... / ... "
Un jour banal, de plus en "Sarkozie", en fin de compte ....
Crédit dessin
Jean-Loïc Belhomme