Je viens de passer un excellent week-end à Nice. J'y étais invitée pour participer aux rencontres culturelles organisées par l'Association Congolaise de la Côte d'Azur. Je n'y ai pas vendu beaucoup de livres, mais j'y ai fait des rencontres inoubliables.
Les rencontres ont commencé vendredi soir avec la prestation de Youss Banda, accompagné de Fortuné Nkounkou, co-fondateur des "Tambours de Brazza", et de Soliac Bantsimba. Tous, des looks d'artistes, les coupes de cheveux surtout. Des looks sur lesquels on peut facilement se faire des préjugés si on les rencontre en dehors de la scène, dans la vie quotidienne. L'allure de Soliac par exemple ne laisse pas deviner un garçon intelligent, ancien étudiant en droit si je ne me trompe. Je n'ai pas eu la chance de les voir sur scène (j'étais encore dans le train en provenance de Paris), mais j'ai eu le privilège de passer de longs moments en leur compagnie.
Youss encadré par Fortuné et Soliac
Après le spectacle, que les niçois ont raté (public pas nombreux, faute de médiatisation ?), nous nous sommes en effet retrouvés "en famille" chez Lina Badila, notre hôtesse, autour d'un bon bouillon de poisson salé aux crevettes séchées, accompagné de semoule s'il vous plaît, à défaut de manioc (le congolais et le manioc, une longue histoire!). Longue causerie, jusqu'au petit matin, vers 5 heures du matin. Je ne peux pas ne pas dire un mot sur Youss Banda, chanteur qui a beaucoup voyagé (comme ses compagnons d'ailleurs). C'est un homme direct, qui parle de tout avec la même aisance, la même franchise, la même légèreté, depuis la crainte, non pas de mourir (on n'y peut rien, elle nous prendra tous, lui surtout se sent quelque peu menacé à cause de sa dénonciation du pouvoir dans ses chansons) mais de mourir à l'étranger (lourde charge pour les siens au pays) ; depuis des sujets graves donc comme la mort ou la solitude qui se cache parfois derrière les apparences d'artiste connu, jusqu'à des sujets plutôt légers, voire coquins, comme les gémissements de plaisir que les femmes de chez nous devraient exprimer en langue de chez nous pour flatter l'oreille de l'amant... La conversation de Youss Banda est à elle seule un spectacle : langage fleuri ; beaucoup d'humour, de bonhomie ; de l'ironie parfois. Très taquin, très lucide. G.B., Albert et Liss
Le samedi 23, la soirée a commencé avec la lecture de quelques extraits de Détonations et Folie par son auteure, qui était accompagnée en musique par deux guitaristes de talent : Albert Kisukidi, du Congo Kinshasa, et Gustave Bimbou, du Congo Brazzaville. Leurs mélodies ont diffusé dans la salle une atmosphère toute faite de recueillement, de douce amertume. Dans un tel contexte, l'amertume du thème du livre et la douceur que peut représenter l'espoir et l'envie d'aller de l'avant ne pouvaient que naturellement prendre vie dans la voix de l'auteure. Angéla et son groupeAprès la folie au bout des Détonations, l'attachement à la tradition et la célébration de la vie avec Angéla May et son groupe, de Madagascar. Tous plutôt jeunes dans l'ensemble, la chanteuse surtout, mais quelle maturité ! quelle profondeur dans l'expression de leur talent ! A chaque intermède, une parole édifiante d'Angéla : "Nous sommes tous porteurs d'avenir, a-t-elle dit par exemple, mais nous portons également le passé." cette interaction entre les époques s'est traduite agréablement dans leurs morceaux, avec des accents modernes et une joie communicative qui, elle, est intemporelle. Je les ai trouvés en harmonie avec leurs ancêtres, avec le public, avec le monde qui les entoure. Les jeunes Comoriens
Le concert s'est achevé avec le groupe musical des jeunes Comoriens de Nice. Parmi ces jeunes originaires des Comores, on pouvait remarquer un très agile et joyeux jeune homme ayant déjà accumulé un certain nombre de décennies. Un septuagénaire ? Je n'ai pas réussi à lui arracher le nombre de ses années, mais qu'importe ! puisqu'éclatait la jeunesse et la vigueur dans ses pas de danse, dans son âme aussi. La particularité de ce groupe, c'était une joie débordante, la joie de chanter et de danser, la joie d'être ensemble, ils semblaient dire à tous : "soyons joyeux !"
Momar, conteur originaire du Sénégal et G.B.
Dimanche matin, 6h30. Retour brutal à la réalité quotidienne : "En raison d'un acte de vandalisme, le TGV en direction de Paris Lyon subit un retard de..." De fait, nous sommes partis avec deux heures et demie de retard. Heureusement que j'avais Daniel Pennac avec moi. Qu'est-ce que je me suis marrée en lisant les pages de Chagrin d'école ! En outre, quand je levais le nez, la belle vue de la mer baignée du soleil naissant sur la côte d'azur achevait d'étouffer dans ma gorge tous les jurons que pouvait suciter ce retard inopportun.