Nico Bellik (GTA IV)
Les jeux qui promettent une liberté d'action et de choix, une personnalisation, un exploit scénaristique n'ont pas le droit à l'erreur, car échouer c'est mentir. Depuis la genèse du jeu vidéo, on vent au public la révolution tant attendue : briser les limites techniques, créer un monde riche, pousser le détail plus loin que le réel (...), enfin de la profondeur ! Rêve ou mensonge sans scrupule, aucun jeu n'y ait parvenu. Les déserts sont vides, les grands espaces sont lisses. Les jeux continuent à n'être que des jeux. L'immaturité est-elle du côté des concepteurs ou du public ? Les deux, sans doute, mon capitaine. Fable, Final Fantasy... prospèrent dans l'infantilisme. Personnages, objectifs, scénario répètent, année après année, les mêmes clichés. On ressert sans hésitation les personnages féminins adolescentes hystériques, les grands méchants, les traitres, les héros de la Grâce... dans des jeux à couloirs mal déguisés, des forêts vertes et roses où les cygnes se font bouffer par des loups.![Red Dead Redemption: Do not sleep! Red Dead Redemption: Do not sleep!](http://media.paperblog.fr/i/325/3256283/red-dead-redemption-do-not-sleep-L-2.jpeg)
J'avoue avoir passé presque tout le week-end sur Red Dead Redemption (j'ai peu profité du soleil). Je n'en serai pas fan comme je suis admirateur de GTA IV. D'abord l'époque et les références ne m'enchantent pas vraiment. Curieusement, l'Ouest ne m'aurait plu que peuplé d'indiens et de mysticisme. Or, RDR se situe justement après les guerres et les indiens ont tous été zigouillés... J'aurais tant aimé que le jeu ne soit pas un jeu de cowboy ! Que les références soient plutôt du côté de Dead Man et de Little Big Man... Les références de RDR ont un sens vraiment "américain" : la soif de pouvoir, le travail pour le bien vivre, la foi, le bien et le mal... Les admirateurs de films du genre seront les plus à même d'apprécier RDR à sa juste valeur.
Passé cette déception toute personnelle, le jeu a le mérite d'être cohérent. Une cohérence avec le scénario, les personnages et le territoire. Notre héros, John Marston se situe à un point d'équilibre entre violence et justice : le jeu ne s'appelle pas "Redemption" pour rien. Il n'a cependant pas le tranchant des héros de GTA IV. Homme d'action, John fera des tas de choses stupides, preuve de faiblesse, tout en jouant constamment les gros durs. Certains lui trouveront de la classe, mais nous sommes loin de Clint Eastwood. John est d'ailleurs plutôt rigide dans les cinématiques, tandis que d'autres personnages ont plus de mérite dans leur "jeu".
Comme dans GTA IV, le spectacle se situe entre comique et tragique : les adjoints du shérif sont pitoyables (racisme, bêtise...) et effrayants (pour les mêmes raisons), les villes sont pittoresques (les jeux, les ivrognes...) et terribles (assassinats de prostituées aux yeux de tous, lynchages...), etc. Un show quasi permanent, vivant, renouvelé, que l'on se prête à regarder, quasi bouche bée. Qu'on aime ou pas le lieu et la période, on est bien obligé de constater le résultat des efforts de Rockstar pour donner crédit à ce fragment de pays (en fait, un peu des États-Unis et du Mexique). Parmi eux, des détails, mais qui ne devraient pas être ignorés par le joueur pour pleinement profiter du jeu. Il faut prendre son temps dans RDR, plus encore que dans GTA. La réussite de Red Dead Redemption est aussi dans le mélange en douceur de la quête principale et des à-côtés. La moindre mission secondaire ou service rendu à un étranger, voire au premier pecnot qui hurle à l'aide, offre de 5 à 15 minutes d'un divertissement non stop. L'ambiance est plus que réussie, elle est mortelle. Là où dans GTA IV, Nico roulait dans Liberty City pour le plaisir des lumières nocturnes, John peut savourer le soleil couchant sur une colline... avec un œil dans le dos grand ouvert pour ne pas se faire bouffer par un coyote. La faune et la flore ont été brillamment implantés sur le terrain de jeu de RDR : les espèces, les attitudes, les comportements d'attaque ou de fuite, les zones de vie, etc. Et leur place dans l'économie locale. Le cheval lui est incroyablement bien réalisé : les capturer et les dresser, c'est juste le pied ! Nous avions déjà parlé de la musique, très appropriée au titre.Un spectacle que l'on profite en anglais, sous-titré en français.
![Red Dead Redemption: Do not sleep! Red Dead Redemption: Do not sleep!](http://media.paperblog.fr/i/325/3256283/red-dead-redemption-do-not-sleep-L-3.jpeg)
Duel (image Gameblog)
On retrouve la rigidité psychologique du héros dans leSi vous voulez jouer les terreurs de l'Ouest, vous n'y prendrez malheureusement pas grand plaisir. Munissez-vous éventuellement d'un bandana qui masque le visage (pour ne pas faire descendre votre réputation et votre honneur). Le vol rapportera assez peu, même dans les banques, et immédiatement sanctionné par une prime. Il faudra payer celle-ci pour ne plus avoir les forces de l'ordre et les chasseurs de prime aux trousses. A noter que des tenues à débloquer et un score élevé en réputation donnent des avantages radicaux pour commettre certains crimes ou délits. J'aborde l'aspect car cela me semble nécessaire dans un jeu à monde ouvert et où le joueur est techniquement libre d'agir selon sa volonté.
Le jeu, notamment par l'apparition d'un personnage mystérieux (attention je spoile, sans doute le diable), évoque souvent les choix à faire, entre bien et mal. Quoi que le héros soit un homme violent, il se révèle donneur de leçon, moralisateur et colle à la figure du héros viril, sans finesse ni nuances, mais dans ses contradictions. Un reproche que lui adressent très souvent les personnages que John Marston rencontre, à commencer par l'Irlandais et le vendeur d'élixirs. Un recul qui sauve du con-con et montre que les scénaristes ont une vue complète et précise de leur histoire. Malheureusement, la rigidité des expressions faciales dans les cinématiques empêche d'en savoir plus.
Pour conclure...
- L'histoire est bien écrite et se réfère beaucoup au cinéma du genre. Elle est ample, avec de nombreux personnages impliqués, mais manque d'originalité (pas dans le jeu vidéo, mais en général). L'histoire de John Marston est pleine de suspense dans la forme, très bien menée. Il y manque juste un peu de mystère.
- L'ambiance est à couper le souffle. L'Ouest sauvage est devant le joueur et surtout tout autour de lui. La musique, les animations, les événements aléatoires, les activités, les personnages haut en couleurs, les graphismes donnent vie au terrain de RDR. Il faut juste ne pas être allergique à la période où se situe l'action du jeu.
- Le jeu est agréable et facile à prendre en main. Déplacements, actions ont été réalisés de façon carrée, mais souffrent de certaines lacunes techniques. Si le personnage est, de façon cohérente et réaliste, assez lourd, il est malheureusement trop souvent rigide et maladroit.
- Mon verdict est très positif. Red Dead Redemption est de loin un des meilleurs titres de l'histoire du jeu vidéo. Il sera, c'est certain, un jeu culte. Beaucoup l'ont déjà fini (au terme d'une trentaine d'heures, je crois) et attendent extensions, DLC, et suite. Il faut simplement espérer que le prochain GTA ou RDR, sur cette génération de console probablement, connaisse une vraie évolution technique.
A voir sur le WebSite officiel : http://www.rockstargames.com/reddeadredemption/