Derrière l'échec

Par Gerard

Inclassable, à contre-courant : ce premier roman aura donc été un échec. Peu vendu, jamais chroniqué. Un échec ? Allons donc : j'aurais eu le luxe inouï de n'en faire qu'à ma tête, d'aller au bout de ma route, dans un monde éditorial pourtant peu enclin à la prise de risque - et j'en reste reconnaissant à l'éditeur, Les Editions de l'Aube. Et puis les lecteurs, ces imprévus magnifiques, avec leur passion, leur vision des choses : bienheureuse dépossession du travail d'écriture, bienheureux voyage d'un esprit à un autre, quand le texte pour ainsi dire change de propriétaire. Qu'ils aient été peu nombreux n'est rien ;  la joie de ces mots échangés compense tout (écrivant cela, je pense surtout à l'accueil extraordinaire que m'ont réservé les lecteurs de Draveil à l'automne dernier). Comprendre que le livre n'existe au fond qu'ainsi, dans le regard de l'Autre.

 

"Deviens lisible", me conseillent en substance les amis qui tentent de défendre mon travail dans le milieu de l'édition. Avec de l'action, des "événements", des "péripéties". Ce qui me semblait impensable hier, depuis la rencontre avec ces premiers lecteurs, prend désormais un autre sens. Puisque l'essentiel du message purement littéraire "passe" en tant que tel, pourquoi ne pas en faciliter l'abord par un aspect plus "divertissant"? Je crois que je vais finir par y travailler. Après tout, je lui dois bien ça, au lecteur.

 

La seconde leçon de ce premier roman est la suivante : on n'est pas écrivain. On est un homme. Que l'on écrive est bien certain, mais que la littérature se tienne à bonne distance, derrière - qu'on ne se résume surtout pas à cela. Rester, quoi qu'il arrive, ce type qui fait l'écrivain. La dérisoire stabulation de l'écrivain de salon du livre derrière ses piles, très peu pour moi. Je jetterai peut-être encore quelques romans dans les conduits, mais comme ça, avec légèreté, mine de rien ; l'esprit ailleurs.