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Il fallait donc tourner le dos à la mer, fuir le grand large et ses rêves d’îles solitaires et de grand vent ; affronter la foule grégaire débarquée en bus, compulsivement amassée aux guichets de restaurations infâmes.
Il fallait subir à nouveau, les portes et leur coût prohibitif, les toilettes sales d’une humanité qui ne sait ce qu’elle fait ; regretter le cri des albatros et le bruit des vagues, le sable des dunes et l’ivresse de la houle.
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Revenant à regret sur les pas hier accomplis avec liesse, nous reprenions ce chemin exigu qui nous mène, sûrement, aux galères de la République.
Et nous ramerons encore et encore, sûrs de ne trouver au bout de notre chemin que bâillon, geôles obscures sur nos yeux désormais épris de liberté insoumise.
Nous serons, en notre révolte contre cette condition qui nous est imposée, les ferments d’une chanson marine que nul ne saura jamais maîtriser.
Notre rêve est résolument ailleurs, sur ces rives que nul ne pourra jamais domestiquer sans se heurter au mur de ses ambitions désuètes.
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Nous marcherons cette fois vers des sommets.
Nous contemplerons de là-haut cette terre meurtrie.
Nous invoquerons l’angoisse de la vague submergeant mât de misaine et huniers.
Mais quelle récompense que ces mots de flamme tapis dans le silence des marées, le grand vent des cimes.
C’est dans la solitude que se cuisine le mieux l’univers poétique de la rencontre.
La vie est ailleurs que dans ces péages sordides et ces foules avides.
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Nos pas ont laissé leur empreinte sur la grève humide.
Un soupir est venu au détournement du regard.
Il nous reste à semer d’autres espérances.
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Manosque, 12 avril 2010
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