Vraiment, Cameron a un très bon public, et de très très bons clients !
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Invraisemblable, le discours (1) qui a pu être développé autour du film Avatar de James Cameron !
Voici quelques échantillons :
- Avatar est une parabole sur le regard.
- Avatar est une fable sur le rêve.
- Avatar qui touche tant de monde est forcément une oeuvre d'art.
- Avatar est un objet susceptible de défier notre intelligence et capable de nous ouvrir à des états de conscience que notre quotidien ignore.
Le plus sérieusement du monde, une documentariste de 35 ans, diplômée de Sciences Po Paris, est accueillie par les "cahiers de médiologie" du Sir Régis Debray pour un article dithyrambique.
Et pour finir avec le meilleur, sinon le pire, et sans rire : "Mythe de tous les mythes ! Cantique des Cantiques, Avatar ! " Ce dernier commentaire a pour auteur un philosophe ; philosophe avec lequel la coupe est pleine jusqu’à déborder car, force est de constater qu'avec un tel commentaire, on n’est pas très loin du fourvoiement et de la forfaiture intellectuels et philosophiques.
Mais… les mots me manquent !
1 - Discours tenus par des adultes de 30 ans et plus, diplômés et cinéphiles.
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Fantasy !
Le terme est lâché : il s’agit donc d’un film de genre issu de la littérature fantasy : « … La fantasy, de l’anglais fantasy : imagination, est un genre littéraire présentant un ou plusieurs éléments irrationnels qui relèvent généralement d'un aspect mythique et qui sont souvent incarnés par l’irruption ou l’utilisation de la magie. »
Littérature pour ados et jeunes adultes (parfois moins jeunes - 35 ans et plus -, comme les commentaires sur ce film ont pu nous le révéler) ; et cela tombe plutôt bien puisque ce sont eux qui fréquentent les salles de cinéma.
Littérature d’une génération a-politique et hédoniste qui n’a connu qu’une seule réalité : une réalité marchande de l’abondance et de la technique.
Cinéma générationnel !
Pour sûr !
Génération Y (2) de la saturation centrifuge-du-vide ; génération atomisée dans l'isolement autocentré – informatique, écrans, images et sons, consoles, jeux de rôles -, dans un environnement qui n’a pas, pour autant, su priver cette génération du manque et du dénuement (3) d'un besoin de ce que d’autres générations ont appelé - supplément d’âme : transcendance, engagement et communion.
2 - « génération Y » désigne les personnes nées entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990. Leurs parents sont souvent des baby boomers. Les Américains utilisent également l’expression « Digital Natives » ou « net génération » pour pointer le fait que ces enfants sont nés avec un ordinateur.
3 - Manques affectif et relationnel ; manque physique - contact avec les éléments, la matière, le corps (génération sida), le danger du réel - contraintes et contingences -, au sein d'une offre pourtant pléthorique (offre qui n'en a jamais assez - et non la demande), fruit d’une injonction mercantile a-morale et irresponsable face à des adultes somnambuliques, tuteurs et précepteurs infantilisés par cinquante ans de consumérisme, perversement et subrepticement démissionnaires.
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Et si, au cinéma, et pour un James Cameron qui n’a pas droit à l'erreur ni à l’échec commercial (film au budget de 300 millions de dollars), le meilleur sujet qui soit était le spectateur ?!
Avec ce cinéma-là, n’est-ce pas bien plutôt le spectateur qui fait le film ?
Car, en aucun cas, ce film ne peut sérieusement prétendre hisser le cinéma à un niveau supérieur à quoi que ce soit qui ne nous ait pas déjà été proposé depuis 20 ans par le cinéma... qu'il soit de synthèse, d’animation, ou bien... cinéma tout court.
Un cinéma éculé, sans invention (scénarii, musique, dialogues, sons - et la 3D ne sauvera rien en ce qui concerne Avatar ) tant dans la forme que dans le fond (4); cinéma creux, démonstratif et pédant (de ridicule ?), aux "thèses" le plus souvent infantiles, manichéennes et démagogiques, auprès d'une génération qui souffre de l'absence de transmission d'un héritage (5) destiné à vous guider dans un monde, certes, pour le meilleur et pour le pire, qui côtoie le génie, la bassesse, le talent, l'héroïsme, les contraintes, et une liberté toujours à re-conquérir, mais un monde dans lequel il est pourtant encore permis d'espérer quelque chose pour soi et les autres, et sans James Cameron et ses millions.
4 -On trouvera bien plus d'émotion dans la dernière demi-heure de "Rencontre du troisième type" et mille fois plus d'invention et d'originalité chez un Tim Burton que dans tout ce cinéma pour des "gogos de l'émotion".
5 - Et ce depuis le refus de la responsabilité qui incombe à chacun de nous, adultes que nous sommes, d'assumer le monde tel qu'il est - responsabilité sans laquelle l'éducation et la transmission des savoirs sont impossibles.
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Décidément...
On ne pourra pas s'empêcher de garder à l’esprit le fait suivant : privé de poésie, d'espace, de silence et d'air, le cinéma fantasy (cinéma du merveilleux - se reporter à l’œuvre cinématographique de Cocteau), écolo-humaniste ou pas, ne peut être qu’une épaisse, qu’une grosse et grande et lourde tarte à la crème indigeste.
Alors…
Avatar ? Vous avez dit avatar ?
On pensera à un pis aller ; et au pluriel, à un synonyme de mésaventures ou de malheurs… cinématographiques pour l’occasion.
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