La gauche – non armée – en embuscade ?

Les derniers sondages paru vendredi et mardi, outre le fait qu’ils confirment la tendance des dernières semaines vers un duel serré au premier tour entre  Mockus et Santos, révèlent une surprise : l’ascension du candidat de gauche Petro.

Traditionnellement faible, la gauche colombienne aurait-elle enfin trouvé son sauveur ? Bien que contesté par la frange radicale de son parti, le Pôle démocratique, Gustavo Petro semble recueillir les fruits de son charisme dans les débats et de la droitisation du candidat Vert. Alors que depuis avril la conservatrice Noémi Sanin descend vertigineusement (de 16,2% à 8,8%), Gustavo Petro monte progressivement (5 % à 7,3 %) dans l’enquête de Gallup, lui contestant même la troisième position, déterminante pour le second tour, dans celle de Datexco (7,5 % contre 5,6 %).

Guérilleros du M-19 rendant les armes lors de leur démobilisation en 1989.

Ancien guérillero du mouvement M-19 (voir photo) ayant déposé les armes en 1990, Gustavo Petro a été un féroce opposant au président Uribe pendant ses mandats, même s’il ne remet pas totalement en cause sa politique de sécurité démocratique. A l’égard des Farc et contrairement à certains de ses prédécesseurs à la tête de son parti voir encore en son sein, il a su faire preuve de clarté et de détermination, contribuant peu à peu à détourner la gauche colombienne de sa fascination, au moins intellectuelle, pour le marxisme et sa justification de la lutte armée.

Cet  homme politique chevronné de 50 ans, sûr de lui et brillant orateur, malgré une certaine arrogance déplaisant à certains, a su conquérir un électorat sensible à son combat pour la « justice sociale » dans un pays aux très fortes inégalités. En faisant d’Obama sa référence, parfois jusqu’au mimétisme (voir son affiche de campagne ici), plus que l’inconvenant Chavez dont il s’est opportunément éloigné, il peut réussir à sortir l’opposition socialiste de son éternel isolement politique et idéologique, quitte à la rapprocher du centre, vers une social-démocratie dont se revendique aujourd’hui la gauche latino-américaine.

Sa position dans les sondages, si elle venait à se confirmer dans les urnes ce 30 mai, ferait de lui un interlocuteur incontournable pour la victoire au second tour. Forcément contre Juan Manuel Santos, héritier honni d’Uribe. Avec Antanas Mockus, dont le parti héberge un ancien membre de son mouvement, l’ex-maire de Bogotá Lucho Garzon ? Oui, faute de mieux et par réalisme politique, même s’il trouve le candidat des Verts trop néolibéral et pas assez antiuribiste et quoique ce dernier lui ait récemment envoyé une ferme fin de non-recevoir (voir le précédent post). Son escalade dans les enquêtes aidant, l’attitude souvent versatile du professeur Mockus pourrait changer bientôt.