Quelques jours encore et la saison estivale du cinéma américain sera ouverte avec en particulier la sortie de Sex and the City 2. Un second opus ne pouvait manquer de voir le jour puisque le premier, tourné à partir du célèbre feuilleton et sorti il y a deux ans, avait fait grimper les compteurs des recettes largement au-delà des 400 millions de dollars.
La surprise, c’est qu’une partie de l’intrigue se déroule à Abu Dhabi, “one of the most luxurious, exotic and vivid places on earth, where the party never ends and there’s something mysterious around every corner” selon les promoteurs du film, qui expliquent également qu’ils ont mené de longues recherches pour trouver un endroit où l’étalage d’un luxe insolent ne soit pas associé à des réalités politiques ou financières trop choquantes !
Un point de vue qui n’a pas convaincu une partie de la presse qui, à l’image de ce journaliste du Guardian, trouve largement à redire pour ce qui est des droits de la femme, et de ceux des travailleurs étrangers, dans les Emirats.
Tout en se félicitant de cette publicité qui pourrait doper le tourisme des fans venus du monde entier sur les traces du quatuor de célibataires délurées (des recettes autour d’une bonne centaine de millions de dollars selon le réalisateur du film), les autorités d’Abu Dhabi font tout leur possible pour se dédouaner d’un film dont le titre pourrait donner à penser que la ville du stupre en question n’est pas New York mais la capitale des Emirats !
Après avoir cru à la bonne affaire, en doublant sa rivale Dubaï (voir ce billet : “les Emirats, nouvelle Mecque de l’art contemporain”) un moment pressentie comme cadre du séjour de rêve gagné, selon le scénario du film, par une des quatre amies new-yorkaises, Abou Dhabi a “rétropédalé” aussi énergiquement que possible en refusant que le tournage se fasse sur son territoire pour ne pas heurter la sensibilité de son tissu social multiculturel (“the multicultural fabric of the society and its perceptions”).
Du coup, le tournage a eu lieu au Maroc, à Marrakech où certains habitants (article en arabe dans Hespress) se sont irrités de voir les techniciens étrangers envahir les toits d’un des lieux saints de la ville tandis qu’un bâtiment abritant des toilettes était transformé en simili mosquée pour les besoins du film !
De fait, selon les récits des critiques qui ont vu le film, les héroïnes, fidèles à leur réputation, ont bien du mal à bien se tenir, et à retenir leurs critiques en découvrant les mœurs locales et en particulier le fait que des femmes portent le voile ! (Et en plus, on ne peut pas s’y embrasser sur la bouche en public !) Quant à la bande-annonce, elle donne le ton de ce dialogue des civilisations à la sauce Hollywood avec un festival d’orientaleries de pacotille, avec colifichets, pantalons bouffants (dits “de harem” dans nombre d’articles) et balade à dos de chameau (voir vers 1′15)…
Les résultats commencent à être au rendez-vous. Comme l’explique cet article (en arabe) dans Al-Akhbar, après une série de courts-métrages – dont Bint Mariam de Sae’ed Salmeen devenu quasiment un “film culte” pour les cinéphiles qui s’intéressent au cinéma arabe – des longs métrages de fiction sont désormais produits aux Emirats, tel le très remarqué Dâr al-hayy de Mustafa Ali. Autant de films qui, de manière plus évidente encore au sein de la nouvelle génération de réalisatrices (article en anglais), ont pour point commun de rompre avec la célébration du passé pour exprimer au contraire les interrogations d’une ville devenue l’incarnation du cosmopolitisme au seuil du troisième millénaire.