Nuisances sonores nocturnes
par Nicolas Hervieu
Une femme s'est plainte auprès des autorités croates des nuisances sonores subies par elle et sa famille du fait du bar ouvert tous les jours de 7 heures à minuit dans l'immeuble où se trouve son domicile. De 2001 à 2009, de multiples mesures du bruit prouvèrent un dépassement du niveau sonore maximal autorisé par la législation croate. Toutefois, malgré des travaux d'insonorisation réalisés par le propriétaire du bar et les multiples réclamations de l'intéressée, les nuisances se poursuivirent.
La Cour européenne des droits de l'homme fait droit à la requête en rappelant tout d'abord que " les atteintes au droit au respect du domicile [...] incluent aussi [celles] qui ne sont pas concrètes ou physiques, telles que le bruit, les émissions, les odeurs et les autres formes de pollution" (§ 44 - " include those that are not concrete or physical, such as noise, emissions, smells or other forms of interference "). Certes, "il n'y a aucun droit explicite à un environnement propre et calme dans la Convention [mais] quand un individu est directement et sérieusement affecté par le bruit ou une autre pollution, une question peut se poser sur le terrain de l'article 8" (§ 45 - " although there is no explicit right in the Convention to a clean and quiet environment, where an individual is directly and seriously affected by noise or other pollution, an issue may arise under Article 8 of the Convention " - V. un exemple récent, Cour EDH, 3 e Sect. 30 mars 2010, Băcilă c. Roumanie, Req. n o 19234/04 - Actualités droits-libertés du même jour et CPDH 2 avril 2010).
Contrairement à une série d'autres affaires (§ 50), la Cour estime que " la nuisance causée par le bruit atteignait le niveau minimum de sévérité requis pour constituer une violation" de cet article (§49) car " la mesure du niveau sonore [réalisée par des experts indépendants] durant une période de huit ans a révélé que les nuisances sonores nocturnes étaient excessives" (§ 52). A cet égard, les juges estiment qu'en l'espèce, "le niveau sonore excédait les standards internationaux fixés tant par l'Organisation Mondiale de la Santé que par la plupart des pays européens" (§ 60 - v. l'exposé de ces standards § 28-31). Cette situation de nuisances sonores nocturnes et continues exigeait donc que les autorités étatiques adoptent des mesures de protection (§ 62). Or, les décisions de ces dernières édictées à la demande de la requérante furent soit insuffisantes, soit inappliquées, et restèrent donc sans effet (§ 63), sachant au surplus que de longs délais furent nécessaires pour que les juridictions saisies se prononcent, ce qui a rendu " inefficaces [...] les recours de la requérante et [...] prolongea ses souffrances [dues à] l'exposition nocturne à un bruit excessif" (§ 64).
En conséquence, les juges européens estiment que la Croatie a violé ici l'article 8 (§ 64) en n'assurant pas son obligation positive de protection du droit au respect du domicile de la requérante (§ 66).
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Actualités droits-libertés du 20 mai 2010 par Nicolas Hervieu
NB: le titre principal, les illustrations et le commentaire en italique sont de Serge Slama
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