Nous sommes toujours tentés de ramener le monde aux deux dimensions de la pensée linéaire. Une cause, un effet. Une erreur, un coupable. Une action, un résultat. Et ainsi de suite. On se prend aisément les pieds dans ce fil qui nous aveugle et nous limite.
La pensée française est réputée cartésienne, du nom de l'ami Descartes, explorateur du cogito ergo sum. Dans cette formule célèbre, le mot important, contre toute évidence, est celui du milieu, ergo : donc.
Donc, c'est la rapport de cause à effet dans sa dimension logique, quasi mathématique. Pourtant, si l'on parle de mathématiques, il y a longtemps que cette algèbre trop simple a cédé la place aux théories qui s'efforcent d'embrasser l'infinité des relations circulaires qui préparent un avenir imprédictible… Quand le vol du papillon produit un cyclone à l'autre bout de la planète.
Nos pensées "disruptives" semblent toujours tomber comme un cheveu sur la soupe. On est en train de réfléchir à la liste des clients à appeler pour leur proposer un nouveau service, et on pense à quelqu'un, qui n'est pas un client, et qui n'est pas concerné par le service en question. En général, on écarte cette idée, ou bien on se dit "il faudra que je pense à l'appeler", et bien sûr on se dépêche de l'oublier. Les intuitions sont comme ça, si on ne les cultive pas, elles s'évanouissent. Et pourtant, dans cette situation, je recommanderais volontiers de décrocher son téléphone pour appeler la personne en question. Et, si on n'a rien à lui dire, de se contenter d'un : "je me suis dit qu'il serait bien que je t'appelle". Si vous ne savez pas pourquoi vous l'appelez, il y a quelques chances qu'elle le sache.
Les ressources de l'inconscient sont étonnantes. Sa capacité à faire des ponts, des liens, est beaucoup plus grande que celle de l'esprit conscient. Il ne travaille pas par causalité, mais par analogies, repérage de patterns (modèles de situations), par activation d'émotions sous-jacentes. Il n'a pas toujours "raison", bien sûr, mais il brasse un plus grand nombre de données que la conscience. Laissons jouer l'orchestre philarmonique qui est en chacun de nous, sa puissante capacité d'innovation et d'invocation, plutôt que le petit air de flûte mécanique de notre prêt-à-penser. Intuition rules, diraient les Anglais. Ergo !