La fièvre du samedi soir, ou un retour aux fourneaux (et aux bouteilles !)

Par Eric Bernardin

Recevoir des amis à la maison, c'est un plaisir toujours renouvelé qui me force à sortir de ma routine : je ressors les verres et les assiettes qui dorment dans les placards, achète des ingrédients qui sortent de l'ordinaire, ouvre quelques bonnes bouteilles, et me creuse la tête pour inventer de nouvelles recettes. Avec une (petite) contrainte : ne pas faire trop original/décalé. Je tenais à ce que les deux enfants présents ne fassent pas la grimace sur ce que j'avais préparé.

Si je parles de fièvre, c'est que j'ai passé l'après-midi torse nu tellement il faisait chaud dans la cuisine (entre le four et la chaleur extérieure). Je n'ai remis un T-shirt qu'à partir de 19h, alors que mes invités n'allaient pas tarder à arriver...

Histoire de ne pas alourdir inutilement les convives, la mise en bouche était très lègère, et rafraîchissante, à base de melon, jambon, et basilic. J'ai servi avec celle-ci le vin en rose du Jonc Blanc (oui, où je travaille en ce moment). Franck Pascal m'avait donné la bouteille la veille afin que je découvre ce nouveau millésime (2009). Et comme Christophe aime beaucoup le rosé et a fait ses études de viti-oeno avec Franck, c'était une excellente occasion de le lui servir. 

Le vin présente une couleur "groseille", légèrement framboisée. Il sent la framboise, l'orange sanguine, les épices. En bouche il est très rond, doux, vineux, avec une pointe de gaz carbonique qui lui apporte de la fraîcheur. Il va très bien avec la mise en bouche, mais serait aussi à l'aise avec des plats méditerranéens épicés. 

Suivait un rouleau de risotto à la truffe blanche, écume de basilic et tuile au parmesan. Le plat où j'étais le moins certain que les enfants apprécieraient. C'est en fait très bien passé ! Juste pour les grands, il y avait un nouveau vin : un Pouilly-Fuissé 2005 du domaine des Côtes de Molière.

Une jolie robe dorée. Un nez sur noisette, la brioche et la fleur d'acacia. Une bouche ample, douce, avec une fine acidité sous-jacente qui équilibre le fin. Une finale sur la noisette fraîche, presque lactée. Très bon, et se mariant bien au plat.

Suivait une basse-côte et de la purée maison légèrement aillée. J'ai d'abord servi (à l'aveugle) un vin de ma cave. Christophe m'a alors impressionné. Lorsqu'il a vu la couleur du vin, il a lâché : c'est du Pauillac ! Impression qu'il a confirmé en sentant et goûtant le vin. Et du coup, connaissant mon amitié avec Jean-Michel Comme, il en a conclu que c'était du Pontet-Canet. Au niveau du millésime, il hésitait entre 2001 et 2004. C'était entre les deux : 2002.

La robe est donc sombre, aux reflets légèrement violacés. Le nez est sur le cassis (fruit et feuille), le poivre blanc, le cigare. La bouche est d'une bonne ampleur, à la matière mûre, veloutée, avec une fraîcheur mentholée qui part du milieu de bouche pour monter crescendo jusqu'en finale où elle s'exprime pleinement, sur le cassis et le havane. Une réussite dans cette année mitigée, même si ce vin n'atteint pas le niveau des derniers millésimes.

Le deuxième rouge a été amené par Christophe. Il m'avait parlé à plusieurs reprises du château La Barde-Les Tendoux. Et voilà que j'ai le 2005 dans mon verre. Le nez est sur la crème de fruits noirs et l'élevage luxueux (épices, pain grillé, caramel). La bouche est dense, puissante, charnue, aux tannins serrés mais bien intégrés. La finale est un poil dominée par l'élevage, mais force est de reconnaître que c'est bien fait, et que pour 9,50 €, c'est cadeau pour les amateurs du genre. Il y a quelques années, j'aurais sauté sur l'occase. Maintenant, je suis tenté par plus de finesse...

Le dessert, vous l'avez découvert hier en avant-première. C'était un sorbet à la fraise & chantilly à l'amande grillée. Rafraîchissant et digeste. Avec un dernier vin : un Vouvray 1ère trie 1989 de François Pinon.

La robe est entre l'or liquide et le cuivre. Le nez évoque la cire à l'ancienne (mélange de cire d'abeille et de thérébentine), mais aussi l'écorce d'orange confite. La bouche est parfaitement équilibrée entre l'acidité affutée comme une lame de rasoir et la liqueur finement onctueuse (au sucre discret). Ce vin âgé de 21 ans est toujours droit comme un i et semble taillé pour encore une longue garde (enfin, je dis ça, c'était ma dernière bouteille). En bouche, le côté terpénique domine, et encore l'orange, noble amertume comprise. Dans le même registre, la finale peut évoquer la gentiane. En tout cas, un vin sans lourdeur qui se marie bien avec la fraise.

Tout le monde fut en tout cas ravi de cette soirée. Et j'étais heureux que les enfants aient tout bien mangé, de la mise en bouche au dessert ! On recommence quand on veut ;o)

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