Avec un peu de recul, il est incroyable de penser que John Randle ait réussi à se hisser au niveau d’excellence qu’il a atteint dans la NFL. Non pas qu’il ait manqué du talent nécessaire pour réaliser une grande carrière, loin de là, c’est plutôt que tous les éléments semblaient jouer en sa défaveur et l’amenaient doucement à un inévitable changement de voie… C’était un peu vite oublier le caractère de Randle, empreint de travail et d’acharnement, et le fait que le mot “résignation” ne faisait pas partie de son vocabulaire…
L’histoire semble bien mal engagée, puisqu’à sa sortie de la petite université de Division II Texas A&I;, John Randle, malgré un titre de All-America en fin de cursus, semble être passé entre les mailles du filet de la détection. Il est décrit comme trop petit pour évoluer sur la D-line (1.86m pour 125 kg), et n’est même pas invité à participer au Combine. Son talent et ses capacités passent totalement inaperçus, tant et si bien que lors du repêchage 1990, il n’est retenu par aucune franchise… Il a alors 23 ans et va devoir prendre une rapide décision quant à son avenir.
Une décision qu’il prend après avoir été invité à un Workout chez les Vikings qui s’est plutôt bien passé. La franchise lui offre en effet un contrat afin de “faire le nombre”, certainement aussi car ils ont su juger le joueur sur ses facultés de développement. John Randle, qui tire sa force de son frère Ervin, un Linebacker polyvalent qui a livré 105 bons matchs en huit saisons aux Bucs et aux Chiefs, continue donc d’y croire et accepte l’offre. Il se met alors à travailler très dur, connaissant un excellent camp et des matchs de pre-season convaincants, à tel point qu’il participe aux 16 matchs de saison régulière dès sa première année, mais toujours en tant que remplaçant. Sa position n’est pas encore totalement définie, et il navigue entre les postes de Linebacker, Defensive End, et Defensive Tackle, selon les besoins du moment.
Dès sa deuxième saison, durant laquelle il débute cette fois 8 matchs, Randle passe au niveau supérieur et réussit 58 Tackles, 9.5 sacks et 2 Forced Fumbles en tant que LDE. Mais ses Coaches en sont désormais certains, c’est à la position de Defensive Tackle qu’il doit évoluer… Pour sa troisième saison, le joueur est aligné au poste de RDT et confirme tous les espoirs placés en lui avec 56 Tackles, 11.5 sacks et 1 FF. Il devient alors titulaire à part entière, et prend de plus en plus d’importance dans l’équipe. Il s’affirme, devient même l’un des “personnages” de la Franchise: il se peint les yeux en noir, hurle pour se donner du courage avant chaque rencontre, et pousse des cris terribles après chaque sack! John Randle developpe, comme le dit le commentateur Dan Dierdorf, une “controlled insanity” qui déroute les adversaires, et instille la peur avec son Trash Talking…
Joueur accrocheur, plaqueur féroce, Randle apprivoise à la perfection son rôle de DT mobile et devient petit à petit l’un des joueurs les plus explosifs de sa génération en réussissant à allier puissance et vitesse. Il endosse également au passage le costume du meneur d’hommes dont la franchise avait besoin. Le public l’adore, et ses coéquipiers le suivent, d’autant que ses performances sur le terrain sont toujours excellentes. Randle poste plus de 10 sacks durant 8 saisons consécutives (leader de la NFL en 1995 avec 15.5 sacks), et change le visage de nombre de matchs grâce à des actions défensives de grande classe et à un Pass Rush de tous les instants. Une manière de jouer qui semblait faire partie intégrante du bonhomme, puisque des coéquipiers diront qu’il gardait cette saine agressivité dans son quotidien, et qu’il jouait avec la même intensité à l’entraînement, célébrant les “victoires” et les sacks en hurlant à la mort…
La légende veut qu’il ait même réussi à pousser des joueurs de renom, tels que Steve Young ou Brett Favre, à commettre des bévues de débutant après avoir fait des pitreries sous leur nez. Brett Favre, grand rival chez les Packers, était d’ailleurs la cible préférée de Randle et a été le quart le plus sacké par ce dernier. Favre dira même du Defensive Tackle qu’il était le joueur défensif le plus fort qu’il ait affronté, et qu’il était “unblockable” sur un terrain en gazon artificiel. John Randle réalise d’ailleurs son meilleur match contre les Packers en 1996, rencontre au sommet lors de laquelle il réussit 3.5 sacks et 2 FF sur le pauvre Favre et devient DP of The Week et DP of The Month. Une saine rivalité qui donnera lieu à l’une des publicités les plus drôles tournées par John Randle…
Après avoir marqué la franchise du Minnesota sans toutefois avoir pu y apporter un Super Bowl (ils osnt venus bien près en 1998), John Randle ira finir sa carrière aux Seahawks de Seattle, avec lesquels il continuera d’être performant puisqu’il y réussit encore 23.5 sacks en trois ans. Quoi qu’il en soit, l’histoire du joueur est une sacrée Success Story. Parti de pas grand-chose, il est devenu l’un des meilleurs Linemen de tous les temps, et même une légende aux multiples distinctions et à la ligne statistique extraordinaire : en 185 matchs, il réalise 471 Tackles et 85 Assists, 137.5 sacks (5ème meilleur total NFL et le meilleur pour un DT), 29 Forced Fumbles et 1 interception. 9 fois meilleur sacker des Vikings et 2 fois des Seahawks, il est élu 7 fois Pro Bowler et 6 fois All pro, fait partie de la 1990′s All Decade Team. Il efut intronisé au Temple de la Renommée en 2010. L’avenir nous dira si un autre Lineman saura redéfinir la position de Defensive Tackle comme a su le faire John Randle. Il apparaît néanmoins peu probable qu’un joueur soit à nouveau autant “underrated” qu’a pu l’être le mythique numéro 93.
Ses héritiers actuels :
Jay Ratliff, Kevin Williams ou encore Darnell Dockett semblent avoir le profil le plus proche. Bien que plus grands (tous plus d’1.95 m), ils se sont engouffrés à merveille dans la brèche créée par Randle, à savoir s’imposer comme des Defensive Tackles plus “maniables” et très bons Pass Rushers. Il convient toutefois de tempérer cette comparaison en faisant remarquer qu’il sont loin d’apporter la hargne et l’alchimie collective que pouvait fournir un “énergumène” comme John Randle, et que leur nombre de sacks est encore bien loin de rivaliser avec celui de leur aîné.