Je termine un voyage en Chine que j’ai retrouvée après 29 ans. Quelle transformation ! Rien n’est plus pareil sauf la mainmise du parti communiste chinois sur le gouvernement qui perdure. Hôtels des plus modernes, aéroports fantastiques, autoroutes de grande qualité, tours de logements en quantité incomptable, villes avec plan d’urbanisme d’avant-garde, usines de toutes sortes, entreprises privées partout, boutiques de toutes gammes, etc… tout est là. La qualité de vie des Chinois s’est améliorée du tout au tout et continue à progresser rapidement. Ce grand pays, le plus peuplé du monde, change à un rythme inimaginable et deviendra vite le plus important de la planète.
Aujourd’hui, la loi du marché gouverne la vie de tous les jours. Les commerces et les entreprises sont privés et la compétition est forte.
Pour acheter une auto, le Chinois peut marchander car presque toutes les marques connues sont disponibles et les prix sont à la baisse. De même pour tout autre produit. C’est comme au Canada sauf que les prix sont beaucoup moins élevés.
Les maisons et les logements sont généralement des propriétés privées et les propriétaires ne peuvent être forcés à déménager sauf pour des projets qui sont d’intérêt général comme le passage d’une autoroute. Et dans un tel cas, l’exproprié est bien compensé. S’il veut acheter un nouveau logement, les banques sont là pour lui prêter jusqu’à 80% de sa valeur sur une très longue période.
Les constructeurs de tours à logements sont privés et louent le terrain du gouvernement pour 70 ans (toute la terre chinoise est propriété de la Chine sauf quelques exceptions) et y érigent d’importants bâtiments en hauteur. Ils doivent trouver preneurs pour réussir. Le gouvernement construit aussi des tours pour les personnes à faible revenu.
L’école primaire n’est pas gratuite. Si elle se trouve dans son quartier, le Chinois paye un léger montant annuel pour son enfant et le gouvernement prend charge de la différence. Les livres, les repas et le transport sont à la charge des parents. S’il recherche une meilleure école pour son enfant et l’enrôle dans une école d’un autre quartier, le montant est alors fort important. Le collège et l’université sont également coûteux pour le Chinois moyen.
Les soins de santé ne sont pas gratuits car il y a une prime à payer pour voir le médecin et se faire soigner, même pour les nombreux avortements nécessaires pour obéir à la loi d’« un seul enfant par famille ». Sinon, une forte amende leur est imposée.
Si un Chinois a du talent, de l’énergie, le goût du risque et veut travailler, il bénéficie des fruits de son labeur. Il est libre de gagner sa vie à sa façon et a la rémunération en conséquence. Il n’est plus question d’égalité des salaires en Chine. Seul Cuba et la Corée du Nord obligent encore leurs citoyens à accepter ce système rétrograde.
De toute évidence, le système économique de la Chine est aujourd’hui capitaliste. On retrouve chez les citoyens de ce pays la même motivation et volonté de réussir que chez nous. On peut voir clairement leurs efforts individuels qui sont axés sur une bonne performance, l’efficacité, le rendement et le travail bien accompli. Le Chinois veut satisfaire son employeur ou son client. Il a besoin de gagner, de progresser et il agit en conséquence.
Seul le parti communiste ne suit pas. Il a permis, certes, le développement incroyable que connaît la Chine et qui est en train d’en faire le plus important pays de la planète. Malheureusement le gouvernement chinois continue à maîtriser tout ce que lit, entend et voit le Chinois. Même s’il y a plus de 70 chaînes de télé disponibles, aucune ne donne des nouvelles politiques venant d’autres pays du monde, ni ne retransmet les opinions émises sur l’évolution de la vie politique de la planète.
L’internet est contrôlé par l’État. Les réseaux du genre Facebook, les sites de blogs comme Blogspot et plusieurs autres sont éliminés du réseau. Les chefs chinois craignent que les jeunes, entre autres, s’abreuvent d’idées différentes de celles qu’ils propagent. Ils veulent éviter une révolte comme celle des jeunes des pays de l’Europe de l’Est en 1989. Ces derniers avaient compris, grâce à la télévision qui traversait le rideau de fer, que leur qualité de vie était minable, sans liberté et que leur futur était compromis et sans promesse par rapport à celui des jeunes de l’Ouest. Malgré que les jeunes Chinois aient actuellement une qualité de vie de beaucoup supérieure à celle des jeunes des ex-pays communistes sous le joug de l’URSS, l’internet libre peut créer des remous similaires en Chine et qui sait ce qu’ils peuvent générer. Le parti communiste ne joue pas avec le feu !
Seuls, 13% des Chinois sont membres du parti communiste. Ils sont les privilégiés de la société et ont des avantages, comme le logement, que d’autres n’ont pas. Les gouvernements municipaux, provinciaux et national sont sous le contrôle du parti. Il y a plusieurs élus aux différents congrès politiques qui ne sont pas communistes mais la majorité l’est et le système établi assure que le parti communiste ne sera jamais minoritaire.
Le parti contrôle le parlement, l’armée, les banques, les transports, etc… Il exerce une autorité totale. Il est le dictateur du pays. Il se dit efficace. Par exemple, dans le cas de la réalisation du barrage hydraulique des Trois-Gorges, le plus gros du monde et construit en un temps record, il a fait fi des contestations et des critiques que le projet a générées. Sous prétexte que le pays avait un grand besoin des mégawatts à être produits, le parti communiste l’a imposé. Ce faisant, il l’a fait au détriment d’autres solutions comme le nucléaire qui aurait permis d’éviter l’inondation à tout jamais de l’immense superficie de terres occupées par plus d’un million de personnes, la relocalisation forcée de celles-ci et la conservation des villes et villages millénaires avec les trésors historiques qu’ils contenaient.
Un tel régime est-il nécessaire au moment où la Chine sort du passé qui l’a détruite ? Un gouvernement sans opposition parlementaire, ou de la rue, est-il plus efficace qu’un gouvernement d’élus qui cherchent à plaire à leurs commettants pour se faire réélire au lieu de prendre les grandes décisions dans l’intérêt de la nation ? Le problème, c’est qu’en Chine on ne peut en discuter ou poser la question car le parti communiste refuse de tels débats.
Les Chinois ne sont plus communistes. Ils démontrent aujourd’hui qu’ils sont capitalistes et qu’ils aiment l’être. Leur gouvernement se dit communiste mais n’applique plus les notions de Karl Marx ni ne respecte les citations de Mao Tsé Toung. Par contre, on peut difficilement affirmer que le gouvernement actuel n’a pas bien agi. Il a quand même compris que c’est par la liberté économique de l’individu que la Chine peut vraiment se développer et a présidé à l’importante transformation du pays dont nous sommes tous témoins. Le temps est-il venu pour le parti communiste chinois de se faire harakiri, de se transformer et de démocratiser le système politique de son pays ? C’est la question que je me pose.
Claude Dupras