Mille femmes blanches – Jim Fergus

Par Theoma

« Me voici de nouveau libre – de corps et d'esprit, ou du moins autant qu'on peut l'être lorsqu'on vient d'acheter sa liberté au prix de son ventre... »

1897, Le chef cheyenne Little Wolf est reçu à la Maison Blanche par le Président Grant pour lui proposer un échange. Mille femmes blanches contre mille chevaux. Sous le choc, les blancs  hurlent à l'outrage et la presse se déchaîne.

L'enfer est pavé de bonnes intentions. Little Wolf voyant son peuple disparaître, décide de l'unir aux blancs. En épousant des femmes blanches, leurs enfants appartiendront aux deux cultures. Ils symboliseront le pont entre les deux peuples et garantiront une paix durable.

Si le Président Grant refuse officiellement de marchander des femmes, il se rend compte, en coulisses, des avantages d'un tel traité. Si certaines peuvent se porter volontaires, il est clair qu'il ne trouvera pas le chiffre demandé. C'est donc dans les prisons et les asiles que le personnel de la Maison Blanche fera son marché. En leur demandant si elles aiment le camping et en leur offrant la liberté au bout de deux ans, ils trouveront ainsi mille "bénévoles" d'accord d'enfanter la première génération mixte "d'enfants civilisés".

Le lecteur fera alors connaissance avec quelques-unes de ces femmes par les mots de l'une d'elles, May Todd. Par le carnet qui retrace ses aventures, il apprendra que May provient d'un asile où elle a été enfermée pour débauche sexuelle. Faire l'amour avec l'homme qu'elle aime sans être mariée et donner naissance à ses deux enfants, lui a valu des seringues d'eau bouillante dans le vagin dans le but de soigner ses pulsions de pécheresse.

« J'écris peut-être pour rester en vie, pour nous aider à survivre toutes ensemble »

Durant leur transport, le mot est juste, on ne peut pas dire "voyage", les convoyeuses sont méprisées par les militaires assurés de les protéger. Traitées de tous les noms, on leur garantit un sort néandertalien, les sauvages faisant l'amour comme des bêtes.

A leur arrivée, elles pourront constater que les bêtes ne sont pas forcément celles que l'on croit. En découvrant les coutumes de leur peuple d'adoption, elles réaliseront que les différences ne sont pas si grandes et que l'intolérance a la couleur de leur propre peau.

Pourtant, aucune démagogie dans la plume de l'auteur. Au milieu de cette vie de nomades, de ce quotidien en plein air, la communauté prime, les bandes rivales planent, l'obscurantisme agit et les traditions séculaires perdurent. La cohabitation des deux cultures démontrent à la perfection les barrières solidement ancrées, écueils indestructibles à une véritable compréhension mutuelle.

Mille femmes blanches est une saga époustouflante à l'image du Grand Ouest. Rouge, riche et dure comme la terre, stupéfiante comme la nature qui l'entoure. Une lecture qui n'est ni sordide ni triste comme son sujet pourrait le croire mais bien au contraire remplie d'espoir et de courage. Inspirant. Droit au cœur.


Little Wolf

Pocket, 505 pages, 2004

Un extrait...

« De leur côté, ces messieurs sauvages donnent l'impression de passer un temps démesuré à paresser dans leurs tipis, à fumer et à palabrer entre eux... ce qui me pousse à croire que nos cultures, finalement, ne sont peut-être pas si différentes : les femmes font tout le travail pendant que les hommes bavassent. »

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