Retour à Nouméa. Nous déposons la voiture à l’aérodrome Magenta et prenons l’avion pour l’île des Pins. Plus de carrières, plus de minéral mais une plage immense de sable blanc, quelques rares personnes, un décor féérique pour reposer corps et esprit. Nous trouvons un gîte confortable à trois minutes de la baie de Kuto. Le poisson qui nous est servi est appelé ‘wahoo’, alias ‘thazard’, c’est en fait une sorte de thon.
La visite de l’île est vite faite mais fort agréable. Dans l’anse de Kanuméra des rochers émergent comme dans la baie de Halong au Vietnam. Le lagon a des tonalités vertes et bleues incroyables. Subsistent des vestiges du bagne, le cimetière « de la Commune de Paris », le souvenir des Berbères algériens condamnés après l’insurrection de mars 1871 déjà. Des grottes s’ouvrent.
Nous partons le lendemain pour Mare, île Loyauté. Nous allons dans la tribu d’Eni, deux matelas sur le sol dans la grande case communautaire. Nous avions réservé un repas dans cette tribu mais, quand nous avons confirmé, la tenancière du gîte nous a demandé où nous logions. « Ah, mais l’hôtel Nengone est fermé pour travaux ! Bon, mais nous pouvons vous loger. » Quand nous nous sommes nous-mêmes transportés à Nengone, nous avons appris qu’à la suite de travaux, les fils du téléphone avaient été sectionnés. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pu joindre l’hôtel, mais il recevait bien des touristes. La femme de Léon est rusée et un tantinet malhonnête. Il faut dire que l’endroit avait manqué de touristes : peu de temps avant, les îles auraient dû être visitées par des habitants de la Grande Terre mais les vents et la mer déchaînée ont contraint le bateau à faire demi-tour.
Nous avons pu ici assister à une « coutume », pour un mariage. Ceux-ci ont toujours lieu après la récolte des ignames. La veille, nous avons assisté aux préparatifs : épluchage des légumes, des salades, les hommes transformés en bouchers pour débiter porc, veau et cerf pour le « bougna ». Le « bougna » est un plat de fête cuit en four de pierres, à base d’ignames, tarots, papayes, banane, poulet, poisson ou viandes, le tout arrosé de lait de coco et placé dans des feuilles de bananier. La cuisson dure deux heures. Le gros travail est de couper du bois, creuser la terre, faire le feu pour chauffer les pierres. On commence généralement la veille. Le « bougna » est succulent quand il est préparé dans les règles, les aliments sont juteux.
Le lendemain, le mariage a lieu à la mairie, puis au temple. Des tas plus ou moins gros d’ignames étaient exposés avec chacun une étiquette de prix : 5000 Francs Pacifiques (40 euros), 10 000, 25 000… jusqu’à 100 000 ! Même si le tas d’igname portant l’étiquette la plus élevée était énorme, nous avions du mal à comprendre la somme, l’igname ne cotant pas comme le caviar… L’explication ? Le tas d’ignames ne sert qu’au décor. Ils seront laissés à pourrir ou serviront à peine. Le montant indiqué est la seule chose qui compte : c’est le « cadeau » fait par telle ou telle famille aux mariés. A Maré, le soir de la « coutume », l’argent est compté en public. La somme revient pour la plus grande part à la fiancée, mais sa mère en recueille une part – pour la remercier d’avoir bien élevé sa fille ! Tous les frais de nourriture et autres sont à la charge du fiancé et de sa famille. Marier un garçon revient cher… On nous a précisé que c’était valable pour Mahé, pas forcément pour Lifou ou Ouvéa.
Revenues à Nouméa, nous visitons le Centre culturel Tjibaou. Les constructions sont jolies mais beaucoup de salles sont vides. La boutique est fermée faute de personnel et, de toute façon, la construction est trop grande pour la population. La culture kanak représentée m’a parue « légère » : les pièces intéressantes ont sûrement émigré en Europe ! Cela me fait penser au musée Gauguin aux Marquises : les tableaux ne sont pas des tableaux mais des photos de reproductions.
Nous avons embarqué le lendemain sur le Mary D, à destination du phare Amédée. Ce serait journée de farniente. Heureuse initiative car le temps fut splendide ! L’accueil et les danses sont polynésiens, le bateau à fond de verre permet de voir sous l’eau sans se mouiller ; mais la nourriture à donner aux requins a fait ‘flop’ – ils ne sont pas venus. Le repas était exotique – sauf pour nous, Polynésiennes. Tandis que M. se laissait bronzer, j’ai monté les 247 marches du phare Amédée. Il a été construit à Paris en 1862, embarqué démonté en 1864 et sa première pierre posée le 18 janvier 1865. La cérémonie d’allumage a eu lieu le 15 novembre 1865. Le feu, d’une puissance de 30 000 bougies, porte à 32 milles par temps clair (c’est l’horizon maximum possible d’ailleurs, en raison de la courbure de la terre…). A 56 m de hauteur, on a une jolie vue de l’îlot. Il est long de 400 m et large de 270 ; Nouméa n’est qu’à 13 milles. « Sportive », j’ai fait en sus le tour de l’île !
Notre séjour s’achève par une visite de Thio. L’idée était de franchir la route à horaires, mais M. était verte de peur. Malade la veille, j’ai jugé plus prudent de repartir de Thio directement pour l’aéroport de Tontouta et revenir à Papeete en avion.
Sabine