Il n'y avait qu'à voir la foule amassée vendredi soir devant la Palais Omnisport de Bercy pour constater que le phénomène Gaga a véritablement explosé cette année: costumés, maquillés, surexcités, les fans étaient légion et les caméras et micros un peu partout tentaient de capturer l'effervescence et l'anticipation de tous. Et ils n'ont pas été déçus: durant deux heures de show survolté, les "Petits Monstres" - comme elle les appelle - ont pu savourer le panel extraordinaire d'émotions que la jeune chanteuse proposait, passant littéralement des larmes au rire. Retour sur un concert hyper-attendu.
A la voir s'extasier devant une salle complète, on se disait qu'il est loin le temps où Gaga tentait de remplir les petits night-clubs new-yorkais branchés, et loin aussi le temps où elle se contentait d'un Olympia parisien dans nos contrées. Vendredi (et samedi), le public a eu droit à pas moins de cinq changements de décor, des interludes sur écran géant, des costumes improbables et des mises en scène et chorégraphies à faire pâlir les plus grands. On retiendra notamment les néons colorés façon back alley new-yorkaise, le wagon de métro, la fontaine et le monstre géant. Côté costumes, on ne savait plus non plus où donner de la tête, entre le sombrero de poils, le déguisement de nonne/hardeuse ou le costume de fée pailleté. On sent que les moyens sont là, et que la chanteuse a voulu une mise en scène de folie.
La folie, en effet, était bien là. Totalement habitée, Lady Gaga chante, danse, saute: on avait peine à croire les journaux qui la disent exténuée. Elle-même ne pouvait s'empêcher de commenter, répondant à ceux qui s'inquiètent pour sa santé qu'elle préférerait "mourir sur scène plutôt qu'en vacances". Car la scène, elle semble clairement faire pour ça. Non contente de chanter en live tout en dansant, la chanteuse se permet même un interlude au piano. Reprenant un Stand by me d'anthologie, Lady Gaga perd surtout la voix quand la foule entière entame le refrain de Speechless. A ce moment précis, sur scène, la fashion victim faussement distante laisse tomber le masque: émue aux larmes, elle s'arrête de jouer pour profiter des applaudissements et des cris et confesse, la main sur le coeur, "c'est uniquement grâce à vous si je suis là". A lire certaines critiques sur le net, c'est le moment où le bât blesse, et où Gaga la mégalo sombrerait dans le pathos, le too much, trop forcé pour être honnête. On est peut-être naifs, mais nous on y a vu la vraie Lady Gaga, celle qui fait de la musique pour reçevoir de l'amour, qui vit et respire pour ses fans; celle qui, sous le maquillage et les robes de stylistes, est avant tout une personne comme les autres, avec ses excès et ses faiblesses.
Côté communication, il faut avouer que Gaga parle beaucoup aussi, dans un français très correct - On oublie la chanteuse froide et presque statuesque qui performe sans un sourire - et sans oublier quel est son public: majoritairement jeune et ouvert. Elle arguera à de nombreuses reprises que "ce soir, vous pouvez être tout ce que voulez, il n'y a pas de limites à votre liberté" - et on y croit. Evidemment, les sous-entendus sexuels sont légion, mais que serait Lady Gaga sans sous-entendu sexuel? On a envie de dire que ça fait partie du personnage. On se souviendra donc des secouages de paquets (oui, oui, ces paquets-là) ostentatoires de la part des danseurs durant Boys, Boys, Boys, qu'elle dédie "à tous les gays français", des World Music Awards qu'elle se met dans l'entrejambe en riant "j'ai une grosse bite" ou bien des poses très suggestives qu'elle adopte. Sans honte aucune, on peut dire que c'est dans l'excès que Lady Gaga excelle, puisqu'elle a l'extraordinaire capacité de transformer l'excès en normalité. Et le pouvoir magique, le temps d'un soir, de faire que chacun se sente spécial à sa façon.
On n'omettra pas non plus de vous parler des autres moments forts de ce concert: le Dance in the dark introductif gagne en force, quand Lady Gaga n'apparait qu'en ombres chinoises immobiles (logique, elle "dances in the dark", en fait); les premières notes de Just Dance et Poker Face provoquent des vagues de cris et de sauts ("JUMP!"), un Teeth qui prend totalement une autre ampleur en live - avec Lady Gaga poussant le public à montrer leurs "pattes" et leurs "dents" - pour faire écho au monstre (The Fame Monster) qui croque Lady Gaga en fin de performance, avant de retrouver une Lady Gaga christique, réssucitée, qui n'a pas laissé "the fame" la dévorer. Et comment oublier le final sur Bad Romance, qui avait de quoi faire dresser tous les poils de votre corps, quand la foule entame le mythique "Wooooooh-oooh-oh-oh-oh-oh-oooh". On comprend d'un coup l'ampleur du phénomène Gaga.
Au final, ce qu'on a vu, nous, c'est un vrai spectacle, avec de gros moyens, de gros tubes, de la voix, de la danse, des mises en scène, des décors, des costumes, de la communication avec le public, de l'humour, de l'émotion, de la musique, de la provoc': comment oser dire que le contrat n'est pas rempli? On en attendait pas moins de Gaga, qui a compris que pour durer, la clé était de se créer un fan-base durable. Sans détours, on peut dire après ce soir qu'il faudra définitivement nous compter parmi eux. Qu'on la déteste ou qu'on la porte aux nues, il est en tout cas impossible de nier que Lady Gaga sait faire parler d'elle. Pour certains, c'est le signe de l'addiction malsaine de la chanteuse pour la célébrité; pour d'autres, c'est un rouage de plus dans la machine pop que Gaga s'exerce à mettre en place. Hier soir, tous tombèrent sûrement d'accord pour convenir que c'était pour son talent et son incroyable dévouement à ses fans qu'on prononcerait désormais son nom.
La setlist:
Dance in the Dark
Glitter & Grease
Just Dance
Beautiful Dirty Rich
Vanity
The Fame
LoveGame
Boys Boys Boys
Money Honey
Telephone
Brown Eyes
Stand By Me
Speechless
So Happy I Could Die
Monster
Teeth
Alejandro
Poker Face
Paparazzi
Bad Romance