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Beauté circulaire et moléculaire chez Proust

Publié le 23 mai 2010 par Sheumas

             L’écho que produit en moi le montage mis en ligne hier est ce passage très subtil du beau roman : « A l’ombre des jeunes filles en fleurs » de Proust. L’écrivain s’efforce de saisir la beauté de celle qui deviendra un peu plus tard la fameuse Albertine...

L’approche qu’en fait Proust est intéressante car il la décrit au sein du « noyau » que constitue le groupe des jeunes filles en fleurs. Impossible d’isoler la beauté. Le travail de l’écrivain, un peu comme celui du peintre impressionniste (dont Elstir est le modèle) consiste surtout à rendre compte de la lumière de l’ensemble... Voici un extrait, mais il faudrait comme toujours avec Proust, citer des pages entières...

Maintenant, leurs traits charmants n'étaient plus indistincts et mêlés. Je les avais répartis et agglomérés (à défaut du nom de chacune, que j'ignorais) autour de la grande qui avait sauté par dessus le vieux banquier; de la petite qui détachait sur l'horizon de la mer ses joues bouffies et roses, ses yeux verts; de celle au teint bruni, au nez droit, qui tranchait au milieu des autres; d'une autre, au visage blanc comme un oeuf dans lequel un petit nez faisait un arc de cercle comme un bec de poussin, visage comme en ont certains très jeunes gens; d'une autre encore, grande, couverte d'une pélerine (qui lui donnait un aspect si pauvre et démentait tellement sa tournure élégante que l'explication qui se présentait à l'esprit était que cette jeune fille devait avoir des parents assez brillants et plaçant leur amour-propre assez au-dessus des baigneurs de Balbec et de l'élégance vestimentaire de leurs propres enfants pour qu'il leur fût absolument égal de la laisser se promener sur la digue dans une tenue que de petites gens eussent jugée trop modeste); d'une fille aux yeux brillants, rieurs, aux grosses joues mates, sous un «polo» noir, enfoncé sur sa tête, qui poussait une bicyclette avec un dandinement de hanches si dégingandé, un air et employant des termes d'argot si voyous et criés si fort, quand je passai auprès d'elle (parmi lesquels je distinguai cependant la phrase fâcheuse de «vivre sa vie») qu'abandonnant l'hypothèse que la pélerine de sa camarade m'avait fait échafauder, je conclus plutôt que toutes ces filles appartenaient à la population qui fréquente les vélodromes, et devaient être les très jeunes maîtresses de coureurs cyclistes.

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