« Un jardin extraordinaire sur les Champs
Un coin de verdure en plein cœur de Paris. A partir de dimanche matin et jusqu'à lundi, les Champs-Elysées vont se transformer en jardin géant de trois hectares. Un happening qui s'inscrit dans le cadre "Nature Capitale" et qui vise à sensibiliser l'opinion sur la nécessaire préservation de la biodiversité. Les Champs-Elysées vont subir une étonnante transformation ce week-end. (nature Capitale)
Samedi soir, la transformation sera totale. Fini les files de voitures sur les Champs-Elysées. A leur place, un grand jardin sur trois hectares. Dimanche et lundi, de l'Etoile au Rond-Point, la plus belle avenue du monde sera recouverte de parcelles végétales. Un "happening épique et jubilatoire" baptisé "Nature Capitale", selon les mots de son concepteur, Gad Weil (avec Laurence Médioni), à l'origine il y a vingt ans de la "Grande Moisson". Le 24 juin 1990, un million de personnes étaient venues sur une journée assister au ballet des moissonneuses-batteuses. Là, l'événement durera deux jours et devrait logiquement drainer les foules.
Le jardin des Champs - en fait un puzzle géant de 8.000 pièces - doit être assemblé ce samedi soir, entre 20 heures et le petit matin. Près de 500 personnes, dont 100 caristes et des dizaines de bénévoles des Jeunes agriculteurs - partenaires de l'événement - vont poser des milliers de palettes remplies de terre, et plantées d'essences représentatives des terroirs français, tels le sarrasin, la betterave, le lin ou la lavande... Ces parcelles s'emboîteront pour dessiner des carrés végétaux. Quatre forêts avec des arbres de différentes hauteurs vont aussi s'installer sur l'avenue.
Ce paysage se veut symbole de la biodiversité, si menacée, et célébrée par une Journée mondiale le 22 mai. Une communion collective éphémère sur les Champs-Elysées, au contraire de ce grand jardin urbain qui sera replanté ensuite à Dammarie-lès-Lys (77). »
« Amener la campagne en ville » est le mot d'ordre de festivus pour le prochain week end...
Il nous aurait fallu Muray pour dire l'absurdité de ce genre de manifestation spectaculaire donc citoyenneTM donc promotrice de vivre ensembleTM et consistant à déréaliser la ville en exposant à grands coups de bulldozer trois hectares de plantes en pots élevées en serres a coup de d'engrais chimiques dans une fiction végétale pour masses hébétées par l'hubris festive de nos modernes ..
Muray n'est plus. On peut le relire et rigoler doucement de ce barnum en forme d'"happening épique et jubilatoire" baptisé "Nature Capitale"... A une époque où, chaque jour, des paysans meurent en silence et dans la misère, ce spectacle a quelque chose de parfaitement cynique et misérable. Mais ce mot d'ordre « Amener la campagne en ville » rappellera à certains celui des gentils khmers qui en avril 1975 au Cambodge, vidèrent Phnom Penh et les principales villes du pays de tous leurs habitants afin de mieux les rééduquer aux vertus de la révolution prolétarienne par les travaux des champs et, si besoin, par une mort violente aux bords d'une rizière.
« A quelques variantes prés, on peut retrouver les mêmes phases dans la prise de pouvoir des autres villes de province, aussi différentes et éloignées les unes des autres que le sont Koh Song, Kompong Som, Oddar Mean Chey ou Siem Réap. Presque partout, le peuple attendait les vainqueurs dans la joie ou du moins avait l'intention de les accueillir ainsi puisqu'ils étaient les nouveaux maîtres du pays.
Après avoir fait baisser le prix des denrées alimentaires, les vainqueurs rassemblaient les officiers, sous-officiers, hommes de troupe et fonctionnaires séparément. Chaque catégorie était conduite ensuite pour une destination inconnue ; pour les officiers, les haut fonctionnaires, les riches, ce devait être la mort immédiate ; pour les autres, une exécution plus tardive ou une mort lente dans des camps spéciaux. Enfin, ordre était donné à toute la population civile de quitter les villes et les villages qui, jusqu'à ce jour, demeurent complètement vides. Certains réfugiés ont traversé Kompong Thom, Pailin et d'autres villes en début de l'année 1976 et les ont trouvées envahies par la végétation.
La déportation de toutes les villes et le nettoyage radical de tous les cadres anciens ne sont pas le fruit de l'improvisation, de la vengeance ou de la cruauté des cadres locaux. Le scénario commun pour toutes les villes et villages du pays correspond à des directives précises émanant des plus hautes autorités.
On peut penser que le nouveau régime comptait trop peu de cadres compétents et devait donc supprimer tous les anciens cadres qui risquaient de créer une opposition intellectuelle ou armée. Ce nettoyage par le vide correspond surtout à une vision de l'homme : l'homme vicié par un régime corrompu ne peut être changé, il doit être retranché physiquement de la communauté des purs. « Il faut détruire le régime », « écraser complètement l'ennemi », « ce qui est infecté doit être incisé », « ce qui est pourri doit être retranché », « ce qui est trop long doit être raccourci pour être à la juste mesure », « couper un mauvais plant ne suffit pas, il faut le déraciner ». Tels sont les slogans qui, tant à la radio que dans les meetings, justifient cette épuration. Les cadres de l'ancien régime ne sont pas des frères égarés mais des ennemis et, comme tels, ils n'ont pas droit de cité dans la communauté nationale. Plusieurs témoignages affirment même que dans de nombreuses localités, les femmes et les enfants des officiers ont également été supprimés : « il faut anéantir leur lignée jusqu'au dernier » est un autre leitmotiv de justification. »
François Ponchaud, Cambodge année zéro, 1980.
Photo: cliché d'Eddie Adams, 1968. En 1969, le photographe a remporté le prix Pulitzer pour cette photo d'un Viêt-cong exécuté sommairement en pleine rue par un policier sud-vietnamien. Adams a capté l'instant de cette mort, et l'image a fait le tour du monde. Elle allait devenir un des symboles de la guerre du Vietnam, choquant l'opinion publique américaine.
"Etant anarque, ne respectant, par conséquent, ni loi ni moeurs, je suis obligé envers moi-même de prendre les choses par leur racine. J'ai alors coutume de les scruter dans leurs contradictions, comme l'image et son reflet. L'un et l'autre sont imparfaits -en tentant de les faire coïncider, comme je m'y exerce chaque matin, j'attrape au vol un coin de réalité.
Je disais qu'il ne faut pas confondre rebelles et partisans; le partisan se bat en compagnie, le rebelle tout seul. D'autre part, il faut bien distinguer le rebelle de l'anarque, bien que l'un et l'autre soient parfois très semblables et à peine différents, d'un point de vue existentiel.
La distinction réside en ce que le rebelle a été banni de la société, tandis que l'anarque a banni la société de lui-même. Il est et reste son propre maître dans toutes circonstances.
Il n'y a pas plus à espérer de la société que de l'Etat. Le salut est dans l'individu."
Ernst Jünger, Eumeswil, 1977.