Poeme de Coeurdeverre : ..le pape...

Par Illusionperdu @IllusionPerdu

Il se tenait assis tout au bout de la table, il nous impatientait souvent, par sa lenteur...
On le voyait si vieux, si ployé, pitoyable, que la pitié parfois, envahissait nos coeurs...
Je le sentais partout, c'était là...dans ma tête, il me suivait des yeux lorsque je travaillais...
Proposait de m'aider, maladroit, l'air tout bête...Il gênait notre vie, nos projets, le papé...!
Au bout de quelques temps, prétextant des vacances, je le menais plus haut...au flanc du Luberon!
"- Tu seras bien là bas , tu verras la Durance, du haut de la terrasse de la grande maison...
Les hospices..papé...sont faits pour tout les vieux...regarde, ils sont bien là, ils ont l'air très heureux..."
"-Comme tu veux petite, si c'est pour ton bien-être...monte de temps en temps...le dimanche peut-être...?"
je l'ai laissé tout seul...vivement, pas très fière...l'air était encore chaud, pourtant je frissonnais...
Et le chant des oiseaux, voletant sur le lierre, me disaient doucement: " qu'as tu fais du papé..? "
Les jours se succédaient, je cherchais la quiétude..le travail me prenait, j'essayais d'oublier...
De noyer mes regrets au fil des habitudes...les souvenirs d'antan, réclamaient le papé....
Même le mistral qui rasait la guarrigue, pour venir s'écraser au buttoir de la digue...
J'entendais cette voix qui ne cessait jamais..me dire à mon oreille: " ou est-il le papé..? "
Chaque brin de lavande, de thym, de romarin...me reprochait sans fin l'absence de l'aïeul...
Le murmure des sources, dans le petit matin, chantait sur mon coeur lourd, des cantiques de deuil...
Le remord, lentement...s'installait dans ma vie...Je revenais m'asseoir ou il était assis....
Sur le vieux banc du puit, sur le bord du chemin...et je laissais errer mes pensées sur la plaine....
Alors, je l'ai revu, avant, lorsqu'il venait...au portail de l'école, chaque jour me chercher....
Je l'embrassais ...tout doux...et nichait tendrement, ma tête dans son cou...
Il me portait un peu, puis ma main dans sa main, il ajustait son pas pour bien suivre le mien....
Il m'expliquait les bois, les cabris, les moutons...les abeilles dorées et les beaux papillons....
Il cueillait aux buissons des réserves de mûres...et m'offrait les plus grosses...comme un présent de choix!
Il riait bruyamment, en voyant ma figure...barbouillée des reliefs de ce festin de roi....
Le soir, près de mon lit...il venait me bercer...de chansons provençales, d'histoires de bergers...
Je m'endormais...heureuse, de sa chaude présence...pleine de rêveries, d'amour...de confiance....
Au long des souvenirs...mon coeur, plein de pitié...a trouvé le repos...a reprit le sentier.....
Pour revenir tout droit, à la grande maison...retrouver le papé...lui demander pardon...
J'ai pris tout simplement...sa main, sans rien lui dire...une larme brillait au milieu d'un sourire...
Et c'est moi, cette fois...tout au long du chemin...qui ajustait mes pas...pour bien suivre les siens...
Un papé, c'est précieux...c'est tant de souvenirs....si vous en avez un...jusqu'à son dernier jour...
Gardez le près de vous...!Quand il devra mourir...vous fermerez ses yeux dans un geste d'amour...
Aujourd'hui, par hasard...si le chant des cigales...me pose la question, tant de fois redoutée...
Je peux, le coeur tranquille...en digne provençale...répondre fièrement..." il est là..le papé......"