Magazine Cyclisme

Chutes d’Iguazu et arrêt forcé prolongé

Publié le 22 mai 2010 par Sylvie_bigant

Aimogasta -  Catamarca … 24/04 – 22/05

Première étape : réserver des tickets de bus pour six. Même si Aimogasta se vante d’être la troisième ville de la province de La Rioja ce n’est en fait qu’un gros village et peu de bus passent par ici. Le défi consiste à rejoindre une ville importante d’où nous pourrons prendre un bus pour Iguazu. Les bus au départ des villes alentour, La Rioja et Catamarca, s’avèrent complet donc à 10 h du soir nous embarquons tous les six pour Cordoba dans un semi-cama, un bus à deux étages avec les sièges qui s’inclinent un peu. 8 h de voyage plus tard, nous débarquons ensommeillés dans la deuxième plus grande ville d’Argentine. A 6 h un dimanche matin, il y a peu d’options … il n’y en a même qu’une, errer dans la gare routière en attendant que la ville s’éveille. Déjà en semaine, les magasins ouvrent tard et sont fermés une bonne partie de la journée pour ne rouvrir qu’à 17 h … on vous laisse imaginer un dimanche ! Jenny comptait acheter une tente (Jay repart en Angleterre dans quelques semaines), elle devra attendre le trajet de retour. Nous visitons le centre historique, l’Université (la plus ancienne d’Argentine), la place principale. Les bâtiments sont bien conservés mais la ville est sale et le gens ne sont pas très aimables… comme dans toute grande ville ?

Nous rembarquons en début d’après-midi pour 21 h de bus cama cette fois-ci. Les sièges sont beaucoup plus larges, comme en classe affaires dans les avions, et s’inclinent très bas. Nous recevons aussi trois repas : un sandwich en milieu d’après-midi, un gros plateau dîner et deux croissants au petit-déjeuner. De Cordoba, le bus part au Nord-Est vers Corrientes, une ville à la frontière avec le Paraguay. Avec Posadas, nous entrons dans la province de Misiones où les Jésuites s’étaient établis au début du XVIIème siècle. Nous arrivons le lendemain matin à Puerto Iguazu sous des trombes d’eau. Jenny reste optimiste : ‘le site que j’ai consulté annonçait mieux demain et soleil mercredi’. Pas les sites qu’on a consulté … Ben, Michele et Jenny vont faire le tour des hospedajes pendant que le reste du groupe reste au sec à garder les bagages. Nous trouvons un petit hostel sympa à deux pas de la gare. Piscine effectivement comme voulait Jay mais il vaut mieux fermer les yeux sur la couleur de l’eau. La région est sous la pluie depuis plusieurs jours, les arbres et les buissons, vert foncé, luisent sous la pluie et mettent en valeur les rues pavées de pierres rouges.

Heureusement le lendemain, le soleil est là. Nous passons la journée côté argentin à parcourir les passerelles au-dessus et au pied des chutes. D’une année à l’autre et d’une saison à l’autre, le niveau de l’eau varie. En période sèche, l’été, on voit les rochers et seuls de petits filets d’eau coulent du haut du plateau. En temps normal, les chutes ont un débit moyen de 1.700 m3/s, les cascades sont vertes et blanches. En ce moment, ce sont 14.000 m3/s d’eau qui s’écoulent. L’eau est couleur chocolat et le fond des chutes est bouché par une fumée blanche, les embruns qui montent vers le ciel. A cause des ces crues inhabituelles, beaucoup de passerelles sont fermées : celle menant à la gorge du Diable (la plus haute chute du parc, 90 m de haut) risque d’être emportée et l’île San Martin est inondée. Nous sommes déçus, le prix d’entrée reste le même et nous avons accès à moins de point de vue. Finalement, la vue des chutes en crue est tellement impressionnante que nous oublions vite notre déception. Des torrents d’eau se déversent en continu du plateau, dévalent deux gigantesques marches rocheuses, avant de se mélanger dans des nuages d’écume aux eaux boueuses du rio Iguazu qui file à toute allure à nos pieds. Nous terminons la journée par une douche au pied des chutes. Ben et Jay tombent le t-shirt et foncent sous l’eau en hurlant comme des sauvages. Sylvie est un peu surprise, Ben fait d’habitude beaucoup de manières pour se baigner dans l’eau froide ! Les filles hésitent mais Sylvie est tellement décidée à y aller que finalement Michele, Dominique et Jenny se décident pour une douche dans les embruns.

Le côté brésilien est moins impressionnant mais tout aussi beau. Nous ne sommes plus au pied des chutes mais en face et prenons pleine mesure de l’étendue des chutes : 275 cataractes s’étendent sur presque 2,5 km de long en arc de cercle. Après deux jours sur le site, nous sommes toujours autant émerveillés et stupéfaits devant la quantité d’eau qui s’écoule en permanence … où est le robinet ? Ben trouve encore le moyen de parader devant les caméras. Des reporters sont venus interviewer les touristes suite à la crue exceptionnelle. Ben fournit une bonne expression au journaliste ravi : ‘ce sont les Gorges du Diable partout en ce moment’. Expression empruntée à Sylvie qui préfère éviter les caméras.

Au retour, nous nous arrêtons à San Ignacio Mini, un village de la province de Misiones. Au XVIIème siècle, les Jésuites ont demandé l’autorisation au roi d’Espagne de s’établir dans cette province ainsi que les régions adjacentes au Paraguay et au Brésil. Leur but était, en plus d’évangéliser les Indiens Guarani, d’améliorer leurs conditions de vie. Les Jésuites ont établi des Missions (Reducciones en espagnol), conçues comme de mini-sociétés : le village était construit autour d’une place centrale dominée par l’église. A gauche de l’église, le quartier des prêtres et l’école, à droite, la maison des veuves et des femmes seules, le cimetière et l’hôpital. Au-delà de la place étaient les maisons des Indiens, de longues bâtisses divisées en habitations familiales. Chacun cultivait un lopin de terre pour sa famille et un lopin pour la communauté (les femmes seules et les prêtres entre autres). Les Jésuites enseignaient l’artisanat aux Indiens, même la fabrication de montres et les protégeaient des attaques de chasseurs d’esclaves. Malheureusement, 150 ans plus tard, les colons et le roi d’Espagne ont pris ombrage de l’influence que les Jésuites commençaient à exercer et les Missions ont été anéanties (voir le très bon film Mission avec Jeremy Irons et Robert de Niro). Les Indiens sont retournés aux plantations et l’enseignement des Jésuites a été perdu … un vrai désastre.

Le genou de Sylvie est toujours douloureux et nous réalisons qu’il va falloir plus qu’une semaine d’arrêt pour que tout rentre dans l’ordre. Nous décidons de rester quelques jours dans ce village qui nous plait et laissons repartir Jay, Jenny, Michele et Dominique avec un gros pincement au cœur. Nous visitons le lendemain les ruines, en fin de journée. C’est avec un peu de tristesse que nous remarquons un groupe de mendiants à l’entrée du site : des Indiens Guarani mendiant à la porte du site dont leurs ancêtres ont été chassés il y a 200 ans. Dommage qu’une partie du prix de l’entrée ne soit pas reversé à la communauté indienne. La lumière du soleil couchant illumine les pierres rouges. Le site a été dégagé et reconstitué en certains endroits si bien que l’on imagine assez facilement ce que devait être la Mission en 1700 quand elle abritait 3.000 personnes. San Ignacio nous plait tellement que nous y passons deux jours. Ses rues paisibles de terre rouge bordées de végétation luxuriante nous rappellent les villages de Thaïlande. Entre midi et quatre heures personne ne bouge, c’est la sacro-sainte sieste. Nous quittons San Ignacio deux jours plus tard, retour à Aimogasta, qui nous semble bien déprimant dans la poussière et la sécheresse après une semaine dans des paysages verdoyants. Un court test à vélo montre que la tendinite de Sylvie n’est toujours pas finie. Si elle est incapable de rouler 2 km sans bagages, il n’y a pas moyen de reprendre la route. Nous sommes extrêmement déçus, nous pensions pouvoir rejoindre la petite bande un peu plus au nord. A la place, nous décidons de prendre un bus pour Catamarca, une petite ville à 200 km de là puis de là, un autre bus pour Tucuman. Les guides sur internet ne sont pas très positifs sur Catamarca ‘ville délabrée et sans intérêt…’. Mais quand nous y arrivons le soir, nous sommes agréablement surpris. Les rues bruissent de monde, c’est l’heure de la sortie des écoles, des enfants en uniforme courent sur les trottoirs. La place principale illuminée et dominée par la cathédrale rose pâle achève de nous convaincre. Nous passerons au moins une journée ici pour découvrir cette petite ville.

La première personne que nous rencontrons est Julio, le propriétaire du petit hostel San Pedro où nous nous posons. Tout de suite, il nous explique qu’il a eu un accident de moto il y a quelques mois et nous encourage à prendre rendez-vous avec le kiné qui l’a soigné. Nous sommes dubitatifs, sur qui va-t-on tomber dans cette petite ville de province. Comme on dit, l’habit ne fait pas le moine ! Gabriel, kiné et aussi ostéopathe, est très sympathique et nous inspire confiance immédiatement. Il manipule Sylvie dès le lendemain et lui remet tous les os en place (même les orteils !). Nous sommes tellement impressionnés et élogieux que nous lui envoyons deux clientes le même jour, Lucia, une Argentine, et Catherine, une Française, qui logent aussi à l’hôtel. Nous décidons de nous poser le temps que les jambes de Sylvie s’améliorent. Nous ne voulons pas faire la route en bus et repartir à vélo est impossible. La tendinite disparait vite et Gabriel diagnostique des contractures dans les muscles, dues à une fatigue musculaire. Nous n’avons pas l’impression de forcer beaucoup pourtant…

Nous décidons de rafraichir notre espagnol et entamons des cours avec Laura, l’amie d’un des garçons qui travaillent à l’hôtel. Nous faisons également connaissance de Martha et Laura, deux professeures de français qui prennent l’habitude de venir nous voir régulièrement pour pratiquer leur français (bien meilleur que notre castillan !). Peu d’étrangers à l’hôtel, surtout des Argentins. Heureusement, il y a Catherine, une Française de Pau qui vit en Guyane depuis quinze ans. Nous nous entendons tout de suite très bien avec elle et passons la plupart de notre temps avec elle : conversations au soleil dans la cour, déjeuner, parties de Scrabble et de backgammon. Elle nous dit tous les jours qu’elle va partir mais nous la soupçonnons d’attendre notre départ pour bouger ! C’est difficile de quitter un endroit agréable quand d’autres restent.

Nous accompagnons Laura à deux de ses cours de français. La première classe est un groupe de trente adolescents d’une douzaine d’années plutôt agités. Nous sommes surpris de leur insolence : ils parlent sans lever la main, crient leurs questions et bavardent entre eux même quand Laura les reprend. Nous parvenons quand même à faire passer quelques messages en français : notre âge, d’où nous venons… Sylvie leur parle des crêpes salées et sucrées. Ben obtient un franc succès quand il leur parle des fromages qui sentent en se bouchant le nez. Et Catherine les fait saliver avec une description de la piperade basque. Deux jours plus tard, nous rencontrons les étudiants en français de la faculté. Ils ne sont que quatre ce qui nous permet d’avoir une vraie discussion avec eux.

Nous avons un petit passage à vide lorsque nous réalisons après une semaine d’arrêt que nous ne pouvons pas repartir. Nous montons à vélo jusqu’à un col et les douleurs reviennent après une vingtaine de km. Pour garder le moral, Sylvie se lance sur le blog. En deux ans, nous avons accumulé une bonne expérience du voyage à vélo, autant que ça serve à tous ceux qui veulent partir. Ben apprend le backgammon avec Catherine et ne tarde pas à la plumer avec régularité. Nous rencontrons également Alejandro, le cousin politico (cousin par alliance) de Julio. Il vient voir nos vélos, il est entraîneur de vélo. Il est aussi guide de montagne et entraîneur de l’équipe de hockey de l’université. L’après-midi même, il emmène Ben pour une balade à vélo. Sylvie est au repos, elle a eu une injection de cortisone le matin-même et a maintenant un patch collé dans le dos qui lui diffuse des anti-inflammatoires dans le sang. Après quelques séances avec Gabriel, nous sommes allés voir le traumatologue qui a opéré Julio et nous nous sommes rangés à son avis. Si la douleur diminue, il sera peut-être plus facile de faire les massages. Lors de la troisième séance, Ben et Gabriel devaient maintenir Sylvie sur la table pour ne pas qu’elle parte en courant tellement elle avait mal.

En attendant de pouvoir repartir, nous entamons des recherches sur les tandems couchés… pour le prochain voyage !


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sylvie_bigant 3 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines