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"La gauche. J'ai toujours répugné ce la unificateur qui occulte les différences, les oppositions, et les conflits. Car la gauche est une notion complexe, dans le sens où ce terme comporte en lui, unité, concurrences et antagonismes. L'unité, elle est dans ses sources : l'aspiration à un monde meilleur, l'émancipation des opprimés, exploités, humiliés, offensés, l'universalité des droits de l'homme et de la femme. Ces sources, activées par la pensée humaniste, par les idées de la Révolution française et par la tradition républicaine, ont irrigué au XIXe siècle la pensée socialiste, la pensée communiste, la pensée libertaire.Le mot "libertaire" se centre sur l'autonomie des individus et des groupes, le mot "socialiste" sur l'amélioration de la société, le mot "communiste" sur la nécessité de la communauté fraternelle entre les humains. Mais les courants libertaires, socialistes, communistes sont devenus concurrents. Ces courants se sont trouvés aussi en antagonismes, dont certains sont devenus mortifères, depuis l'écrasement par un gouvernement social-démocrate allemand de la révolte spartakiste, jusqu'à l'élimination par le communisme soviétique des socialistes et anarchistes. Les fronts populaires, les unions de la Résistance n'ont été que des moments éphémères. Et après la victoire socialiste de 1981, un baiser de la mort, dont François Mitterrand a été l'habilissime stratège, a asphyxié le Parti communiste.Voilà pourquoi j'ai toujours combattu le la sclérosant et menteur de la gauche, tout en reconnaissant l'unité des sources et aspirations. Les aspirations à un monde meilleur se sont toujours fondées sur l'oeuvre de penseurs. Les Lumières de Voltaire et Diderot, jointes aux idées antagonistes de Rousseau, ont irrigué 1789. Marx a été le penseur formidable qui a inspiré à la fois la social-démocratie et le communisme, jusqu'à ce que la social-démocratie devienne réformiste. Proudhon a été l'inspirateur d'un socialisme non marxiste. Bakounine et Kropotkine ont été les inspirateurs des courants libertaires.
Ces auteurs nous sont nécessaires mais insuffisants pour penser notre monde. Nous sommes sommés d'entreprendre un gigantesque effort de repensée, qui puisse intégrer les innombrables connaissances dispersées et compartimentées, pour considérer notre situation et notre devenir dans notre Univers, dans la biosphère, dans notre Histoire."