Magazine Cinéma
Comédie de Paris
42, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 42 81 00 11
Métro : Blanche / Pigalle
Ecrit et mis en scène par Jean-Marie Chevret
Avec Dominique de Lacoste
Ma note : 7/10
L’histoire : Mâme Jansen !... L’incontournable amie satellite de Gisèle Rouleau, vient de grossir les statistiques des accidents de la route. C’est à la fin d’une excursion « Mer de sable » avec le Club qu’elle s’est fait coincer par son sac en bandoulière dans la porte arrière de l’autocar. Obligée de courir à côté du bus jusqu’à la porte d’Orléans. Bilan : vingt-six fractures, une prothèse dentaire fichue et trois mois d’hôpital.
Gisèle se retrouve donc en charge d’une amie plus proche d’une terrine de campagne que de Miss Univers. Simone Jansen est plâtrée, bandée, de la racine des cheveux à la pointe des pieds… Heureusement, Gisèle veille sur elle. Et elle prend les choses en main…
Mon avis : C’est du Gisèle pur jus ! Du concentré. Cette fois, elle n’a personne pour réfréner son tempérament de feu. Avec sa fougue inconsciente, son autorité naturelle, c’est madame sans-gêne qui prend ses quartiers à l’hôpital et, immédiatement, la courbe de la température ambiante va monter jusqu’à des sommets jamais atteints dans le docte établissement…
Sur fond de musique entraînante fleurant bon la Comedia dell Arte, notre Vamp effectue une entrée tonitruante ; Toujours attifée de son improbable accoutrement au mélange audacieux de couleurs et de figures géométriques, c’est une tornade qui déboule à l’accueil de cet hôpital parisien. Pleine de sollicitude, elle vient porter assistance à son amie Simone Jansen, victime d’un accident lui aussi très haut en couleurs. Quand le Club part en excursion, il s’en passe des choses. Avec une assurance frisant l’impolitesse, elle impose ses desiderata au corps médical, s’intronisant carrément aide-soignante. Inutile d’essayer de lui résister.
Avec son énergie dévastatrice légendaire, Gisèle fout le souk à l’hosto. Pendant que son amie, inconsciente, gît sur son lit de douleur intégralement momifiée, elle s’agite, commente, vitupère, donne ses ordres aux infirmières comme aux médecins, interpelle les visiteurs, allant même jusqu’à donner des consultations. Au fur et à mesure que son squat sanitaire avance dans le temps, elle observe la vie de l’hôpital et se mêle évidemment avec sa rusticité coutumière de ce qui ne la regarde pas. Ce qui génère bien sûr moult situations pour le moins croustillantes.
Franchement, on n’aimerait pas avoir pour « amie » ce typhon incontrôlable. D’une méchanceté rare, perfide, aigrie, vénale même, et d’une mauvaise foi chronique, on ne lui trouve guère de qualités. Mais en fait, ce qu’elle montre là spontanément, n’est que la face émergée de l’iceberg. Il faut savoir aller chercher ce qui se passe sous la ligne de flottaison. Sous la véhémence, sous l’explosivité, sous l’ingérence systématique, on devine une sorte de désarroi. Gisèle est en demande permanente de reconnaissance et d’affection. Elle a besoin des autres pour exister. Sinon, avec son long veuvage, elle serait confinée dans la solitude et dans l’ennui. Il y a justement un court moment où elle se dévoile complètement, une parenthèse de grâce et d’émotion dans laquelle elle ose avouer les angoisses qui rongent les tréfonds de son âme. Ça arrive au bon moment dans la pièce, c’est un bref instant d’apaisement, avant que l’effervescence ne la regagne de plus belle. Mais cet intermède inattendu aura permis de révéler une réelle forme d’humanité.
En coup de Vamp porte donc bien son nom. C’est un vent de folie qui souffle sans discontinuer sur la scène de la Comédie de Paris. La mise en scène est adroitement bâtie sur une succession de scènes plus ou moins longues qui donnent beaucoup de rythme. Dominique de Lacoste, au meilleur de sa forme, se régale à jouer cette malpolie-clinique. N’hésitant jamais à apostropher les spectateurs des premiers rangs, elle a une maîtrise parfaite de son personnage. L’écriture très imagée de Jean-Marie Chevret, épicée de réflexions souvent désopilantes, donne à la pièce une crédibilité que les nombreux excès ne parviennent même pas à gommer. Au contraire, on les attend et on en redemande. L’idée de départ, avec cette intrusion dans un monde hospitalier habituellement plus feutré, est excellente car on imagine en effet les dégâts colatéraux que pourrait causer une Gisèle à qui on a lâché la bride. On ne s’ennuie pas une seconde, le spectacle est aussi dans la salle car certain(e)s vivent tellement la situation au premier degré qu’ils ne peuvent se retenir de réagir à voix haute.
Voici donc une pièce aux rebondissements rocambolesque où l’on s’amuse librement sans aucune arrière-pensée.