Les crayons de Bourvil

Publié le 22 mai 2010 par Florent

Je prépare ce week end une petite présentation de la chanson française pour des étudiants de littérature de l’université Fudan (Shanghai).

Comptant présenter une chronologie (remontant à la chanson de geste) puis une approche par thèmes (humour, contestation, émotion, poésie), je suis amené à traduire quelques chansons françaises en chinois.

Voici les crayons de Bourvil, une chanson drôle je trouve, qui dans la période difficile de l’après guerre dénonce le misérabilisme qu’on retrouve aussi bien chez Zola que chez l’écrivain LaoShe (voir un livre et un autre livre commentés sur ce blog). J’ai parlé de cette chanson avec plusieurs chinois qui sont en général sensibles à cet humour. Le misérabilisme est vraiment déprimant par son fatalisme.

J’avais tourné avec mes enfants (et quelques autres volontaires) une vidéo sur cette chanson. Elle est sur youtube.

Voici ma traduction en chinois, un peu maladroite car ce n’est pas si facile que cela. Le vocabulaire est très simple, mais l’ironie, les quelques jeux de mots et surtout les redondants pléonasmes (赘言 en chinois) compliquent un peu les choses.

她没有过爹娘
所以她是孤儿.
因为她没有钱
所以她不很富.
她其实有爹娘
可惜他们不认她
到头来这个可怜的她
被叫作”无名氏”.

她曾经卖明信片
也卖铅笔
她命中注定就要卖铅笔
她在街上叫卖”卖铅笔了”
只是她的名字是”无名氏”
没人愿意要她的铅笔
好可怜啊!
怎么笨到不认识自己的孩子
即使他们记性不怎么样啦!
我想如果我有自己的孩子,我一定会认得她!
当然她得像我才行 !

她在Ménilmontant路上张开她的小篮子
她指望招引客人
摇动她的篮子
但是有一天
小偷儿在她的篮子边走过
她的铅笔都被拿去了!
她开始喊叫:

“卖明信片了!
铅笔都没有了!”
可是行人显而易见
只要买铅笔.
她喊叫”卖铅笔”的时候
行人跟她说: “你的铅笔不好”
好可怜啊!

太可惜了. 她铅笔都没有了.
因为小偷儿都偷了.
她敢情不需要铅笔
因为她原来没卖一支笔!
却是可怜啊!

一个铅笔商
来跟她说:
“你来我家吧
我给你看漂亮的铅笔
你不用付钱!”
这是奇怪的交易
因为他是奇怪的商人
她感觉到他经过
因为她有了个小孩.
可不可悲这样占便宜?
可是她也软弱啦!

所以她抛弃了她的孩子
这个孩子后来干了什么活儿啊?

她卖明信片
也卖铅笔
她命中注定就要卖铅笔
她在街上叫卖”卖铅笔了”
只是她的名字是”无名氏”
没人愿意她的铅笔
好可怜啊!

Les crayons

de Bourvil

Ell’ n’avait pas de parents,
Puisque elle était orpheline.
Comm’ ell’ n’avait pas d’argent,
Ce n’était pas un’ richissime.
Ell’ eut c’pendant des parents,
Mais ils ne l’avaient pas r’connue,
Si bien que la pauvr’ enfant,
On la surnomma l’inconnue.

Ell’ vendait des cart’ postales,
Puis aussi des crayons,
Car sa destinée fatale,
C’était d’vendr’ des crayons.
Elle disait aux gens d’la rue :
“Voulez-vous des crayons ?”
Mais r’connaissant l’inconnue,
Ils disaient toujours non.
C’est ça qu’est triste.

C’est triste quand même de n’pas reconnaître son enfant,
Il faut pas être physionomiste !
Il m’semble que si j’avais un enfant, moi je le reconnaîtrais !
A condition qu’il me ressemble, naturellement !

C’était rue d’Ménilmontant,
Qu’elle étalait son p’tit panier.
Pour attirer les clients,
Ell’ remuait un peu son panier,
Mais un jour, un vagabond
Qui passait auprès d’son panier
Lui a pris tous ses crayons,
Alors, ell’ s’est mise à crier :

“Voulez-vous des cartes postales ?
Je n’ai plus de crayons.”,
Mais les gens, chose banale,
N’voulaient plus qu’des crayons.
Quand elle criait dans la rue,
“Voulez-vous des crayons ?”
Ils disaient à l’inconnue :
“Tes crayons sont pas bons.”,
C’est ça qu’est triste.

C’est triste quand même, elle avait plus d’crayons.
Forcément, elle s’baladait avec son panier à découvert, n’est-ce pas ?
Alors l’vagabond, lui, il passait à côté d’son panier, n’est-ce pas ?
Alors avec sa main, alors … heu … hop !
Il lui a pris tous ses crayons, comme ça elle n’en avait plus.
C’est vrai qu’elle n’en avait pas besoin puisqu’elle n’en vendait jamais !
Mais quand même !

Un marchand d’crayons en gros
Lui dit : “Viens chez moi mon enfant,
Je t’en ferai voir des beaux,
Je n’te demanderai pas d’argent.”
Ce fut un drôle de marché,
Car c’était un drôle de marchand,
Et elle l’a senti passer,
Car elle en a eu un enfant.

C’est triste ça quand même d’abuser d’une inconnue comme ça !
C’est vrai qu’elle a été faible aussi !
C’est pas parce qu’il disait qu’il avait un… qu’il était…
Enfin, elle avait un enfant quoi, elle avait bonne mine !
Si seulement elle avait eu une mine de crayon !
Mais non, mais c’est ça qui la minait !
Alors elle l’a abandonnée, son enfant,
Et qu’est-ce qu’elle a fait plus tard cette enfant, hein ?

Elle vendait des cartes postales,
Puis aussi des crayons,
Car sa destinée fatale,
C’était d’vendre des crayons.
Elle disait aux gens d’la rue,
“Voulez-vous des crayons ?”
Mais r’connaissant l’inconnue,
Ils disaient toujours non.
C’est ça qu’est triste.