Alors que la sortie de l’iPad en France n’est plus qu’une affaire de jours, les éditeurs de presse semblent travailler d’arrache-pied pour être fin prêts le 28 mai. Après Le Monde, France 24 et Paris Match, c’est au tour du quotidien l’Equipe de proposer une nouvelle application pour iPad. Celle-ci est en tout point similaire à celle disponible sur iPhone (cf. notre test), bien que parfaitement adaptée à la taille de l’appareil. On retrouve ainsi le moteur miLibris (utilisé également sur iPhone et le lecteur web) pour afficher la version électronique du journal en haute-définition.
Comme nous l’avions anticipé lors de notre test sur iPhone, la navigation sur iPad est beaucoup plus agréable compte-tenu de la taille de l’écran mais aussi et surtout des performances de l’appareil qui permettent un rendu très fluide. Ici encore la réalisation et le lecteur MiLibris sont irréprochables : l’application est parfaitement stable, l’expérience utilisateur améliorée et la consultation du journal facilitée.
Pour autant nous ne sommes toujours pas satisfaits. La première raison tient à ce que nous avions déjà évoqué précédemment : malgré la qualité de l’application et les performances du moteur de lecture, il n’y a pas de réelles innovations. Il ne s’agit que d’un simple journal PDF, fac-similé de la version papier, auquel on a rajouté un mode HTML. Ce reproche vaut également pour Le Monde, Les Echos ou encore La Gazetta dello Sport.
Autre motif d’insatisfaction, peut être plus grave encore : la politique tarifaire. Alors qu’au lancement de l’application iPhone le prix initial d’un achat à l’unité était de 1€, le prix est passé à 1,59€ depuis la dernière mise à jour. Un prix tout simplement scandaleux lorsqu’on sait que la version papier est vendue 0,95€ ou que la version web est disponible pour 1€. Alors certes il est possible de reporter, et à juste titre, la faute sur Apple, qui ne propose pas de créneau tarifaire à 0,99€, mais il n’empêche que les montants disponibles les plus proches sont 0,79€ et 1,29€, et non 1,59€. On peut également imaginer que l’achat in-app implique une hausse du tarif (comme Apple prend 30%) et que la technologie MiLibris a également un coût conséquent, pour autant est-ce que cela justifie un tarif qui passe du simple au double ?
Enfin le point le plus négatif de cette offre tarifaire, c’est surtout cette impression d’incitation forcée à l’abonnement. A 1,59€, l’achat à l’unité est dissuasif et pousse à se tourner vers les offres d’abonnement. Or je crois que l’iPad n’a pas réellement vocation à stimuler les ventes d’abonnements. Il s’agit davantage d’un produit favorisant l’achat compulsif et donc les achats ponctuels de journaux à l’unité. Faut-il vraiment se détourner des milliers de potentiels lecteurs ponctuels dans l’espoir de gagner quelques abonnements supplémentaires ? Pourquoi un utilisateur d’iPad consentirait subitement à s’abonner à un journal électronique fac-similé papier alors qu’il n’a jamais pris la peine de considérer un abonnement papier ? La réception du journal avant de partir au travail ? Pas sûr que cela soit suffisant…
En attendant d’autres éditeurs de presse sportive outre-atlantique tentent d’apporter une vraie valeur ajoutée, de redéfinir l’expérience de lecture, de créer un nouveau rapport au journal. C’est le cas par exemple de Sports Illustrated qui travaille en ce moment sur la réalisation d’un magazine en HTML 5. Le résultat est bluffant et sans aucune comparaison possible avec une version PDF.
Le plus dommage dans tout cela, c’est que L’Equipe a pourtant tous les atouts en main pour proposer un journal nouvelle génération : une chaîne TV, un partenariat radio avec RTL, un site web, un journal. Il suffirait simplement d’arrêter d’imaginer le numérique par rapport au papier, mais de le penser véritablement en tant que tel, via le web. Alors à ce moment là, peut être que la vraie valeur ajoutée apportée, nous fera revoir notre jugement concernant les abonnements.
NB : Comprenons nous bien : nous ne nous acharnons pas sur L’Equipe et ne remettons pas en cause la qualité du travail effectué. Il s’agit simplement d’interroger la pertinence de ce type de développement à l’heure où d’énormes investissements sont consentis. Il serait dommage en effet de se tromper alors que l’iPad est vu comme le sauveur de la presse. Nous reviendrons plus en détails sur ce sujet dès la semaine prochaine.
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