Réalisateur doté d'une acuité remarquable et d'une finesse d'analyse rare s'agissant de la période adolescente, Hugues parvient à chaque film à toucher à l'âme de l'adolescence, à son essence, en un mot, à sa substantifique moelle.
Weird science raconte l'histoire de Wyatt et Gary, deux ados un peu nerds ne parvenant pas à attirer l'attention des filles et décidant de créer la femme de leurs rêves par le biais de l'informatique.
A partir de ce canevas, John Hugues va développer un film étonnamment surréaliste (on ne s'attend pas du tout à ce parti-pris narratif, comme nous le verrons plus tard), tout en s'attachant à mettre en avant les difficultés existentielles touchant à l'adolescence, et notamment le besoin de plaire, et, in fine, de plaire aux filles.
Timides face à la gente féminine, moqués de leurs camarades de classe, incapables d'exprimer leur personnalité en public, les deux compères vont jouer au docteur Frankenstein et donner naissance à un être tout droit sorti de leurs fantasmes. Dès l'apparition de cette créature de rêve (Lisa, incarnée par l'ex-mannequin Kelly le Brock), le film va basculer dans un surréalisme de plus en plus poussé (parfois un peu trop), et John Hugues s'en servira afin de développer son propos et sa thématique.
La nécessité de rester fidèle à sa personnalité et l'importance de séduire grâce à ce que l'on est (et pas en jouant un rôle), telle est la leçon que tentera d'inculquer Lisa à ses deux créateurs, à travers des scènes qui verront se succéder un Bill Paxton transformé en monstre gluant, des grands-parents catatoniques enfermés dans un placard, des motards tout droit sortis de Mad Max défonçant une maison avec leurs motos, une cheminée aspirant meubles, piano et jeune fille, ou encore des missiles militaires surgissant du sol.
Ce parti-pris surréaliste trouve cependant sa limite dans un systématisme un peu trop ostentatoire (même si certaines trouvailles sont très drôles) et handicape de ce fait le propos du réalisateur, ce dernier faisant trop souvent basculer son film dans la farce, alors que le sujet méritait moins de fantaisie exarcébée, comme si le metteur en scène s'était laissé aller en roue libre dans le cocasse le plus poussé.
Cependant, dès que le film se pose et prend le temps de respirer, l'on retrouve le meilleur de John Hugues et la tendresse qu'il porte aux adolescents en mettant l'accent sur leurs préoccupations, leurs interrogations, leurs doutes, et l'on se rend compte à nouveau à quel point ce metteur en scène était (et demeure) le meilleur de sa catégorie.
Weird science, même s'il ne constitue pas le meilleur film de son réalisateur, demeure néanmoins une oeuvre à découvrir non seulement pour son traitement narratif très surprenant, mais aussi et surtout pour le regard extrêmement pertinent porté par le metteur en scène sur les adolescents.