Que dit en effet Bertarelli, le barreur d'Alinghi, le perdant de l'America's Cup ?
"Fondamentalement, notre avenir à long terme est dans l'Union européenne et sa construction." ici
Nicolas Hayek, président de Swatch Group, dans le même numéro de L'Hebdo, plus réticent, pose tout de même la question :
"L'UE ne devrait-elle pas se focaliser sur une réelle intégration de ses Etats, comme l'a fait la Suisse ?" ici
Sous-entendu : à ce moment-là il serait possible d'y adhérer.
Un sondage réalisé par M.I.S. Trend, Sophia 2010, publié dans les dernières pages de l'hebdomadaire romand ici, montre que seuls 30% de la population suisse trouvent qu'il serait temps de rouvrir le dossier de l'adhésion du pays à l'Union européenne, tandis que 44% des leaders romands y seraient favorables.
On retrouve donc en Suisse, comme dans l'Union européenne, le clivage entre élite et population... avec cette différence qu'ici, pour le moment encore, le peuple a le dernier mot, alors que l'on se passe de son avis dans les pseudo-démocraties européennes, comme l'adoption du Traité de Lisbonne l'a amplement démontré, les Irlandais ayant d'ailleurs été cocufiés comme on sait.
Vladimir Boukovsky commence très fort. Le nazisme a été éradiqué grâce à l'exigence d'une reddition inconditionnelle de l'Allemagne hitlérienne. Il n'en a pas été de même avec le communisme, qui, lui, n'a pas été extirpé de Russie :
"Après dix ans de tentatives hésitantes de réformes, il [le KGB] a repris le pouvoir et n'a pas été long à rétablir son autorité sur l'ensemble du pays".
Boukovsky donne cet exemple, parmi d'autres, de cette reprise en main :
"L'Etat n'hésite pas [...] à détruire un grand groupe industriel comme Ioukos et à emprisonner pendant des années son président, officiellement pour recouvrer des impôts impayés, mais en réalité pour renationaliser ses principaux actifs au profit des proches du Kremlin."
Le président en question, Khodorkovski, est le héros - avec la Russie - du livre de Catherine Lovey, dont j'ai parlé sur ce blog [voir mon article "Un roman russe et drôle" de Catherine Lovey ]...
Les similitudes que relève Boukovsky entre l'Union européenne et l'URSS font de la première un véritable clone de la seconde [voir aussi mon article Le dissident russe Vladimir Boukovsky à l'Université d'Aix-en-Provence ] :
- "dès qu'un pays se rebelle contre le socialisme ambiant, il est voué aux gémonies" [ce fut le cas de l'Autriche en 2000].
- l'équivalent du Poliburo est la Commission, composée de membres non élus qui doivent suivre une certaine ligne [le commissaire italien Buttiglione, accusé de sexisme et d'homophobie, a dû renoncer en 2004].
- le Parlement européen, sans pouvoir réel, est comparable au Soviet suprême.
- comme la Russie était prédominante sur les autres républiques soviétiques qui étaient pourtant ses égales, parmi les Etats membres, tous égaux en principe, il y en a qui sont plus égaux que d'autres [la France et l'Allemagne par exemple si on les compare à la Grèce et au Portugal... comme on l'a vu encore récemment].
- l'arrêt de l'élargissement de l'Union soviétique a juste précédé sa chute ; elle devait s'élargir au monde entier ; l'Union européenne a la même soif d'élargissement, qui ne se base pas sur des critères "civilisationnels", mais idéologiques.
- aux "libertés de faire" se substituent dans les deux cas des "droits d'obtenir".
- la liberté d'expression y est sélective : "on peut être condamné à juste raison si l'on nie les crimes de Hitler. En revanche, et pour une raison qui m'échappe, on reste libre de considérer Staline, Mao Zedong ou Pol Pot comme de charmants bienfaiteurs de l'humanité et de le proclamer partout".
- la corruption règne au niveau des Etats européens et des institutions européennes à la faveur d'attribution de marchés ou de redistribution d'aides, comme en URSS où s'opérait une redistribution massive de la richesse.
Ces similitudes ne sont pas le fruit du hasard.
Boukovsky rappelle qu'au XXème siècle deux socialismes rivalisent, dont le but final est le même, mais qui divergent sur les moyens d'y parvenir :
- les socialistes et les socio-démocrates qui veulent instaurer le socialisme par les réformes.
- les communistes qui veulent l'instaurer par la révolution.
En parcourant les archives soviétiques et notamment celles relatives à Gorbatchev, Boukovsky a découvert les connivences qui existaient entre les premiers et les seconds pour sauver ce qui pouvait l'être des seconds, sous couvert d'instaurer une "maison commune européenne".
Tel quel, ce vaste programme a heureusement échoué dans la plupart des pays de l'est européen, parce que les populations ne voulaient plus entendre parler de socialisme sous quelque forme que ce soit. Mais, débarrassés de l'hypothèque soviétique par la chute du régime il y a 20 ans, les socialistes et socio-démocrates ont compris que l'Union européenne pouvait être le moyen le plus sûr de parvenir à leur fin, qui est, au-delà de l'Europe proprement dite, d'instaurer un gouvernement mondial socialiste.
Pour ce faire ils bénéficient du soutien de ceux qui ne se disent pas socialistes, comme Jacques Chirac [aujourd'hui Nicolas Sarkozy], mais qui agissent comme s'ils l'étaient. Ils sont majoritaires dans les élites et minoritaires dans les populations.
Quoi qu'il en soit :
"Sous couvert de construction européenne, le socialisme est en marche sur le Vieux Continent".
Il avance masqué, ses bâtisseurs "sous faux drapeau" :
"Ils savent très bien qu'aucune nation sur terre ne votera jamais volontairement pour leurs idées qui ont fait faillite partout où leurs émules ont tenté de les implanter. Au lieu de quoi, ils se servent de toutes les tromperies possibles pour dissimuler la vraie nature du monstre qu'ils tentent de faire renaître".
Avec son cortège habituel :
- inflation des lois et règlements.
- bureaucratie de plus en plus complexe et toute puissante.
Même si le droit le plus élémentaire, "celui d'élire directement ceux qui nous dirigent", est refusé, et si on trouve 7 anciens apparatchiks communistes parmi les 25 membres de la Commission, Vladimir Boukovsky se veut rassurant :
"Je ne pense pas que l'Union européenne se lancera un jour dans la création d'un Goulag sous la forme d'une administration gérant tout un archipel de camps de concentration, comme en URSS.[...] Avec des dirigeants qui n'osent même pas proclamer le but véritable de la construction qu'ils nous infligent, l'Europe ne risque pas de tels débordements."
Il est tout de même "surpris de la manière avec laquelle les gens acceptent le politiquement correct", ce qui nous ramène au début de cet article et à Ernesto Bertarelli :
"Les bolcheviks ont dû exterminer quarante millions de personnes avant de parvenir à établir leur monopole de la pensée. En Europe il a été accepté sans que personne n'ait tiré un seul coup de feu. C'est étonnant. Le fait de ne plus voir le débat politique qu'au travers du prisme de ce qui est "correct" - et de ce qui ne l'est pas - représente pour moi la plus grande menace contre la liberté depuis l'effondrement du communisme".
S'il est difficile de prévoir précisément quand, l'Union européenne s'effondrera à son tour :
"Il est probable qu'elle va continuer de s'étendre de manière incontrôlable. Elle sera incapable de s'arrêter jusqu'à ce qu'elle tombe d'épuisement, comme son prédécesseur".
Avec le risque qu'elle nous enterre "sous ses décombres, dans une situation économique catastrophique".
Ne peut-on pas la réformer ?
"En fait, les structures et les concepts socialistes sont irréformables. Ils ne peuvent que s'effondrer sous le poids de leurs propres contradictions, comme l'Union soviétique elle-même. Mais cela ne se fait qu'au terme d'une longue évolution, lorsqu'il ne reste plus une goutte de combustible pour entretenir encore la fiction que la machine avance et que son idéologie constitue l'horizon insurpassable de l'humanité."
Que faire ?
"Ce que nous avons de mieux à faire, c'est d'accélérer l'effondrement, car plus tôt il se produira, le mieux ce sera pour tout le monde."
Comment ?
"La seule stratégie valable repose sur les citoyens eux-mêmes. Quelque part, il convient de reproduire ce que fut le mouvement des droits de l'homme en URSS. Aujourd'hui comme hier, il faut défendre nos droits de parler, penser et publier librement, d'avoir les assemblées de notre choix".
Monsieur Bertarelli, je vous le demande, qu'irait donc faire la Suisse dans cette galère ?
Francis Richard
Nous en sommes au
672e jour de privation de liberté pour Max Göldi, le
dernier otage suisse en Libye