21 - 05
2010
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Il semble que la polémique suscitée aujourd'hui par la présentation du film "Hors la loi" de Rachid Bouchareb, production franco-algérienne en compétition sous pavillon algérien, ayant généré une manif d'anciens combattants (1200 selon la police, et, parmi les manifestants réunis devant le monument aux morts de l'Hôtel de ville, le député-maire de Cannes), ait donné au festival de Cannes des allures de camp retranché, mesures de sécurité maximum, fouilles complètes, contrôles, etc... Pour détendre l'ambiance de la conférence de presse, Jamel Debbouze, un des acteurs du film, a dit qu'il avait été lui aussi violé à 16 ans par Roman Polanski... Heureusement, le thaïlandais Apichatbong Weerasethakul, "Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures", second film en compétition du vendredi à J-2 de la clôture, méditatif, zen, loué par les critiques, a apaisé la Croisette.. Les palmarès des sections parallèles tombent, "Armadillo", Grand prix de la Semaine de la critique, "Pieds nus sur les limaces" de Fabienne Berthaud avec Diane Kruger et Ludivine Sagnier (en panne sèche de coiffeur sur le plateau du "Grand journal" de Canal+), "Illégal" de Olivier Masset-Demasse et un film ayant fait l'unanimité chez les festivaliers "Le Quattro volte" de Michelangelo Frammartino à la Quinzaine des réalisateurs.
"Hors la loi", sortie 22 septembre 2010 / "Oncle Boomee...", sortie?
Demain samedi, il reste deux films en compétition, le russe Nikita Mikhalkov, qui s'était déjà illustré cette année en salles avec 3 heures d'un indigeste remake de "12 Hommes en colère"("12") , ici avec "L'Exode, soleil trompeur 2", suite de "Soleil trompeur", déjà primé à Cannes, puis, "Un Garçon fragile, le projet Frankenstein" du hongrois Kornel Mundruczo, déjà en compétition en 2008 avec l'austèrissime "Delta", les derniers festivaliers ne vont pas se décrocher la machoire de rire comme Madame Verdurin dans "La Recherche"...
"Poetry"/"Poésie" (Lee Chang-dong), la critique de Benoit Thevenin en direct de Cannes
"Poetry" (photo Diaphana), sortie?
Avec "Poésie", Lee Chang-dong revient en compétition à Cannes, trois ans après "Secret Sunshine", véritable chef d’œuvre qui s’il ne lui a pas valu la Palme, à quand même permis à Jeon Do-yeon (laquelle est cette année l’héroïne du remake de "The Housemaid" par Im Sangsoo) de remporter le prix de la meilleure actrice. Après un tel tour de force, on se pose légitimement la question de savoir si Lee Chang-dong est capable de se hisser encore à ce niveau.
"Poésie"" est un formidable film mais n’a quand même pas la même intensité que "Secret Sunshine". Les deux films se ressemblent d’un point de vue esthétique mais n’ont sinon rien à voir. Le cinéaste nous a déjà habitué aux sujets difficiles mais toujours traités avec une certaine sensibilité, une grâce toute poétique. Lee Chang-dong s’intéressent avant tout aux laissés pour compte de la société, ceux que l’on ostracise, qu’ils soient handicapés ("Oasis") ou simplement, comme ici avec "Poésie", vieux.
L’héroïne (Mija) est une vielle femme qui élève seul son petit fils . Elle semble en forme mais apprend vite à l’hopital qu’elle commence d’être rongée par la maladie d’Alzheimer. Elle s’inscrit à un atelier de poésie, autant pour lutter contre l’inéluctable que pour satisfaire une curiosité rangée au placard. Son petit-fils est lui bientôt accusé avec quelques uns de ses amis d’avoir violé une camarade de lycée, laquelle s’est suicidé en se jetant d’un pont.
Le personnage de Mija rappelle celui de "Mother" de Bong Joon-ho. Elles sont deux mères courages qui se démènent pour sauver leurs protégés de la sanction impitoyable correlée à ce dont ont les accuse. Ainsi, comme Kim Hye-ja dans "Mother", Yun Junghee est de tous les plans. Le film tient donc entièrement sur ses épaules. Le personnage est tant admirable que l’on adhère facilement à son parcours et à l’histoire.
A travers le portrait de Mija, Lee Chang-dong réussit un film absolument magnifique sur l’isolement et la solitude des vieilles personnes. "Poésie" est plus doux, moins intense et violent que ses précédents films, et c’est d’abord en cela qu’il se démarque. En revanche, sa sensibilité poétique, carrément renvendiquée étant donné le titre, s’affirme davantage et nous touche, jusque dans un final bouleversant et ouvert aux interprétations de chacun.
BT/Laterna Magika
"Copie conforme" (Abbas Kiarostami), la critique de Benoit Thévenin en direct de Cannes
"Copie conforme" (photo MK2), sortie 19 mai 2010
Avec "Copie Conforme", premier long-métrage qu’il réalise en Europe et dans une autre langue que le persan, Kiarostami nous offre de renouer avec un cinéma narratif dont il s’était quelque peu détourné. Le cinéaste n’a rien perdu de sa rigueur esthétique et ne serait-ce que de ce point de vue là, "Copie Conforme" nous régale. Mais c’est au-delà de la seule composition des images que se focalise notre attention. Kiarostami instruit une double méditation sur l’art et le couple, menée de façon conceptuelle, ce qui ne manquera pas de désarçonner une partie du public.
La réflexion sur la qualité d’une oeuvre originale et celle d’une copie se déplace à d’autres champs, dont le couple donc, ce qui permet de se représenter un monde ou les frontières entre originalités et copies sont plus que ténues. Kiarostami construit son histoire en deux temps au moins, avec un
écueil narratif à mi-chemin, qui instaure un doute profond en même temps qu’il opère un changement de registre radical. Le procédé ne sera peut-être pas apprécié de tout le monde, car Kiarostami fait preuve d’une roublardise qui n’est pas forcément du goût de chacun. Sauf que finalement, la démonstration est éloquente.
Kiarostami livre une oeuvre théorique qui réussit à glisser vers un chemin narratif classique, même s’il conserve assez de nuance dans son propos pour ne jamais perdre le fil d’une réflexion solide et passionnante. La prestation des acteurs, William Shimell et Juliette Binoche (qui n’a peut-être jamais été aussi bien filmée qu’ici), ne donne que plus de poids au résultat. On avait le sentiment d’avoir un peu perdu en cours de route le cinéaste mais Kiarostami nous revient plus en forme que jamais. L’air de la Toscane lui réussit très bien.
BT/Laterna Magika
Juliette Binoche et son partenaire de "Copie conforme" lors de la conférence de presse (photo Isabelle Vautier)
Mots-clés :Cannes 2010PoetryLee Chang-dongCopie conforme