Résumons les choses et tentons d’y voir clair.
Le constat initial ne souffre guère la contestation : « les start-up ne captent qu’une infime proportion des capitaux injectés chaque année dans l’économie ». Or, ajoutent les auteurs, les entreprises nouvelles sont essentielles pour la productivité et la croissance de nos économies. D’où la tentation du financement public. Et le problème corollaire : comment faire le bon choix ?
Le doute naît des analyses qui suivent.
Tout d’abord, nous dit-on, les politiques devraient accorder autant d’importance aux entreprises existantes, lorsqu’elles innovent, qu’aux entreprises nouvelles.
Mais c’est déjà le cas ! Nos politiques n’ont-ils pas mis en place, au fil du temps, un maquis d’aides à l’innovation si dense et impénétrable qu’il profite pour l’essentiel aux entreprises en place ? Quant à l’efficacité de ces dispositifs, restons prudent : la concurrence joue souvent entre des options technologiques différentes, parfois créatrices de normes aux enjeux considérables, et soutenues par des entreprises de tailles très diverses. Dès lors, l’issue de ces batailles technologiques est affaire de stratèges, de financiers et d’hommes de marketing. Des barrières à l’entrée parfois considérables protègent l’entreprise la plus solide, au détriment des plus petites et des plus jeunes, pourtant souvent plus innovantes, et dont les solutions, parfois meilleures, ne prévaudront pas.
L’aide publique à l’innovation n’en est pas pour autant disqualifiée. Mais il est permis de douter, hélas, qu’elle suffise à corriger ces puissants mécanismes.
Heureusement, nos auteurs savent aussi se contredire : « les subventions aux entreprises existantes ne sont sans doute pas le meilleur moyen de stimuler la croissance, même en imaginant que l’on puisse réellement choisir les meilleurs »…
Deuxième perplexité, à présent sur les entreprises nouvelles : le soutien public suppose ici encore d’identifier les plus productives – ou plutôt, celles qui le deviendront. Rude tâche, certes.
Mais la contestation qui en est faite peine à convaincre :
- l’attribution des subventions directes aux entreprises serait trop souvent un processus politisé. Certes. Mais pas toujours ! D’autant plus que dans l’Union Européenne, la liberté des politiques est plus que bridée, sanctions juridiques et financières à l’appui. Et qui prétendra, après tout, que l’impulsion politique n’a produit que des échecs ?
- les aides publiques auraient aussi l’effet pervers de maintenir à la barre des entrepreneurs moins talentueux – perturbant en quelque sorte le jeu naturel de la concurrence. Ce reproche est sans doute fondé s’agissant de certaines politiques à l’égard des entreprises en difficulté. Mais on s’écarte alors du problème posé par les entreprises innovantes. Si une entreprise innove et est crédible, son dirigeant doit bien être raisonnablement « talentueux » ! Là encore, la vraie question est le repérage de l’entreprise prometteuse.
Quelle solution ? s’interrogent alors nos auteurs. Au lieu d’aider directement les entreprises, « faire porter l’effort sur la structuration des marchés financiers, capables de mieux soutenir les entrepreneurs ».
Le secteur financier étant particulièrement concentré, voilà une autre gageure. D’autant que la conjoncture récente n’a pas apporté de réponse probante sur la capacité des marchés financiers à se réformer.
Allons, faisons donc confiance à nos deux professeurs d’Harvard. Et après tout, ils l’écrivent eux-mêmes, « la hauteur des financements semble avoir un effet relativement faible sur la croissance ». Ah, le sujet était donc sans grand enjeu. C’était pour rire, alors ?
Une dernière perplexité, soudain : « Pourquoi donc ai-je lu cet article ? »