Cette tribune libre a été offerte à une des blogueuses que nous avions contactée, souhaitant laisser parler quelqu'un de vrai sur cette Journée. Au travers de son blog dont nous avons apprécié la qualité, Carole a accepté de se prêter au jeu sans fioritures. Voici ses mots, tels quels nous les a confiés...
Lorsqu'il s’agit de mettre en avant une cause par une journée bien précise sur l’année, je suis d’ordinaire assez sceptique voire même carrément contre, car je trouve cela inutile au mieux, ou ridicule au pire…
Quand l’Observatoire de l’Obésité mis en place par le Dr Azam, entre autres, m’a contactée pour écrire un article sur cette initiative, j’ai dû réfléchir quant à la position que j’adopterai. Allais-je prendre part à cette journée ou pas ? Suis-je légitime pour venir vous exposer mon point de vue sur la question ?
Dans les deux cas, j’ai eu envie de répondre oui et je vais vous expliquer pourquoi en commençant par me présenter.
Alors que pourrait bien améliorer ou changer une initiative comme la Journée Européenne de l’Obésité ?
D’abord, je reste persuadée que pour que les choses avancent, changent, s’améliorent, rien ne vaut la communication. J’aimerais que cette journée européenne de l’obésité redore un peu le blason des obèses et que le commun des mortels ne voient plus en nous, les gros, un gourmand excessif ou une personne incapable de se contrôler face à la bonne chère.
Cela peut sembler insignifiant que je me focalise sur l’image de l’obèse dans notre société mais c’est sans doute pour moi le point essentiel d’une telle journée.
Si la médecine et les politiques commencent à voir ce problème avec un regard neuf qui pourrait me donner l'espoir qu'un jour les choses changeront vraiment pour nous tous dans ce domaine, ce n’est pas la même chose dans la société où nous côtoyons chaque jour nos concitoyens.
Au sein du monde médical, on se sent souvent mieux écouté qu'avant, davantage pris en considération, on a moins l'impression d'être des incapables, des pauvres choses sans volonté. L’aspect psychologique est enfin traité dans notre pathologie et l’on parle dorénavant de l’obésité comme d’une maladie et non plus comme d’une simple déviance alimentaire engendrée par la gourmandise.
Non pas que ce soit mieux pour les obèses d’être considérés comme des malades mais peut-être que cela donnera plus de compassion à celui qui n’est pas touché par cette addiction incontrôlable qui explique bien sûr pourquoi il est si difficile de s’en sortir. La politique légifère aussi en créant des lois qui devraient être capables de nous protéger au mieux contre la discrimination.
Dans ce combat, nous commençons même à être soutenus par la presse, la mode, les associations qui oeuvrent dans le sens d’une image positive face à ces rondeurs qui dans l’esprit collectif restent le fléau à combattre.
Donc le seul endroit où cela continue à être difficile, c'est sans doute avec son voisin, avec son employeur, avec le commun des mortels que nous croisons chaque jour au coin de nos rues..
C’est donc pour eux, ignorant tout de l’obésité, que j’ai envie de croire qu’une telle initiative fera avancer les choses et que les regards changeront enfin. Et là, j'avoue que rien ne me laisse à penser que cela sera pour bientôt.
Mais que manque-t-il à tous ces gens capables de nous stigmatiser comme si nous n'étions pas grand chose ?
Pourquoi notre différence dérange-t-elle, fait-elle peur ?
Pourquoi ne sommes-nous pas capables de vivre en parfaite intelligence dans ce monde d'humains ou plutôt de mortels car pour certains l'humanisme reste une valeur, un courant de pensées ignoré...
Je suis meurtrie quand l'on me parle de peur du regard de l'autre, quand je vois les ricanements, quand j'entends les moqueries... Nous, les gros, sommes-nous donc si mauvais pour que, sans nous connaître, certains soient capables de nous juger comme n'étant pas dignes d'intérêt pour eux ?
Mais que se passe-t-il dans la tête d'un adulte ? Qui est cet homme ou cette femme qui se croit supérieur à nous pour oser nous juger, oser nous laisser croire que nous sommes différents, moins bons ?
Pourquoi ce rejet gratuit ? Pourquoi ces souffrances infligées ? Est-ce juste pour appartenir à une masse de gens bien pensants ?
Oui j'ai peur de cette humanité-là, je ne la comprends pas, oui ça me révolte alors que MOI, je le sais, je suis comme tout le monde... je ne suis pas différente, je suis unique.
Venez voir en moi, en nous.. ne nous jugez plus sans nous connaître, sans nous comprendre, sans essayer du moins...
Otez de vos esprits si petits, ces clichés qui ne sont pas justes, qui sont destructeurs...
L'obésité ce n'est pas un problème de nourriture, de mal bouffe. L'obésité c'est un problème de mal être, avec soi mais aussi avec les autres... Et vous êtes ces autres-là aussi..
Alors au lieu de nous juger, de nous critiquer, tendez-nous la main et enfin vous serez aussi beaux que nous le sommes.
Si les regards désapprobateurs changeaient enfin nous réglerions du coup les problèmes de discrimination à l’embauche par exemple qui nous excluent encore bien plus de notre propre monde. Car il ne faut pas oublier que si l’employeur est réticent à nous employer, c’est qu’il sait que c’est l’image de sa société qui va en pâtir. La clientèle ne veut surtout pas voir un gros à son service, de peur que ce soit contagieux sans doute. Cela ne donne pas une image dynamique, positive, dans le contrôle… Le gros incarne tout sauf cette image, non ?
Mais malgré tous mes espoirs en cette journée, j’ai bien sûr la lucidité de croire que les choses ne changeront pas d’un coup de baguette magique. Il faut du temps pour que l’on voie avec le cœur alors que l’on regarde uniquement avec les yeux.
Il faut certainement que nous les obèses osions aussi relever la tête après des années où nous n’avons su que nous cacher pour échapper à nos peurs, à nos hontes. La société nous a convaincus aussi que nous n’étions pas dignes de vivre comme tout un chacun ; à nous de nous prouver, de prouver au monde que tout ceci est faux et que la maladie ne nous empêche en rien d’être actif, volontaire, heureux, performant, valide et amoureux.
Je ne rêve pas d’un monde de bisounours bien sûr mais je revendique mon droit à exister avec mes rondeurs, mes maux, mes angoisses car tout ceci ne nuit en rien et ne fait pas l’essentiel de ce que je peux offrir aux autres. Sous tout le gras se cachent des cœurs, de l’intelligence, du savoir, de l’émotion, de la sensibilité qui font de nous des être humains à part… entière…
Alors que cette journée européenne de l’obésité puisse permettre un grand bond dans ce monde où la norme sera juste différente pour chacun d’entre nous sans créer de barrières infondées.
Carole M