Ou un test de reconnaissance, renaissance par césarienne auto-procréée.
Je n'étais plus sûr de rien. J'en étais content, et malheureux comme jamais. Un moment que le sur-place était ma vitesse de croisière. Je n'en pouvais plus, surtout depuis que j'étais ressorti, plus chamboulé que jamais, de Sur la route. J'étais dans ma voiture, sur le parking, dans une ville, la mienne, en face d'un immeuble, le mien. A écouter des conneries de chansons françaises, siroter une fiole de vodka que j'avais en réserve depuis un moment, en grillant clope sur clope. Rien de fabuleux, aucune angoisse, aucun rêve que je n'aimerai faire la nuit à venir. Et je savais que le lendemain serait exactement identique que la veille, et ainsi de suite. L'un dans l'autre, je n'avais plus aucune liberté, et je faisais mon propre deuil de jour en jour.
Je réfléchissais à tout ça en me disant que, au vu des circonstances de cet instant précis, plus rien ne me retenait. J'étais malheureux sans raison, c'était ça le plus drôle. J'avale mon dernier cachet de codéine avec le fond de la fiole, histoire de planer un peu plus. Ça commençait à secouer vraiment. Du sur-place, toujours du sur-place.
Et personne dans ces rues, pas même un chat gris dans ces putains de rues mortes. On devrait tous nous faire bosser la nuit, ça anéantirait en un rien de temps le problème des retraites. Rues mortes, endormies, silencieuses, et les lampadaires se foutent de ma gueule alors que je titube jusqu'à la porte d'entrée.
La table de la cuisine était recouverte d'une nouvelle toile cirée achetée à la dernière braderie. J'étais sûr de moi, ce ne serait qu'un test, rien de plus que cela. Je me sers un whisky, sec, avale des anxiolytiques par trois à chaque gorgées. Des fois, un goût amer s'échappait au fond de la gorge parce qu'il y en avait un qui restait coincé et se dissolvait tranquillement. Au cas où, je me suis demandé ce que j'aimerai faire en dernier. Ecrire aurait été ridicule, banal, merdique. Peut-être laisser un post-it quelque part. Tout aussi chiante comme idée. Alors je me suis préparé un petit plateau repas, un morceaux de brie, des tranches de pâtés en croûte. Quoique sur le post-it, j'aurai pu mettre, en pattes de mouches tout juste lisibles "J'ai tout pour être heureux, j'y arrive pas. J'ai essayé. Pourtant, j'aurai essayé." Encore plus merdique que le reste.
Me suis installé avec mon plateau-repas, avalé une dernière pilule et deux-trois trucs trouvés dans la boîte à pharmacie. Des éclats de fumée me revenait, comme en réminiscence. "Et sinon, quoi de neuf?"; "Tu veux faire quoi de ta vie en fait?";"Et après il va faire quoi, il va travailler en septembre?";"Tu vas voir en septembre, tu vas te retrouver sans école, sans licence, sans travail, sans rien."
J'ai mis en route quelques épisodes d'une série, ouvert la fenêtre pour m'y accouder et fumer une clope. La fumée enveloppait tout. Les livres, le gros tas de paperasse qui me sert de recueil de poésie toujours pas fini, différentes lettres qui s'entassent sur le bureau. "Votre contrat arrive à échéance à la fin du mois.", une fiche de paie, sans compter les lettres déchirés, à peine ouvertes, commençant toujours par "Nous avons le regret de gnagnagna...". Fun.
Dernière clope du paquet, autant la fumer. Inéluctablement savoureuse. Au cas où, je me suis dit que j'avais envie d'un dernier orgasme. J'avais finit mon plateau-repas et je m'endormais au fur et à mesure que Dr House se gavait de cachetons en résolvant des cas-épisodes que j'avais déjà vus au moins cinq fois.
"Si jamais je me réveille demain, je serai alors le plus heureux des hommes. Sinon tant pis, il n'y avait plus que ça à tenter."
Sans réelle surprise. Le soleil semblait décidé à apparaître enfin dans le même temps où je savourais le premier café de la journée. Maintenant, je n'avais plus d'ordre à mettre dans quoi que ce soit. Juste à agir, sans plus attendre qu'un putain de miracle se provoque.