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La rigueur juste

Publié le 21 mai 2010 par Hmoreigne

 L’Europe a le cœur qui balance. Néo-libéralisme, keynésianisme, les coups de godille des gouvernements désarçonnent opinions publiques et marchés qui ne savent plus à quel saint se vouer. Hier encensées comme soutien à l’activité et facteur de la croissance de demain les dettes publiques sont désormais décrites comme des icebergs qui entourent un navire européen menacé du sort du Titanic. Présenté comme seule bouée de sauvetage possible, le recours à la rigueur doit être manié avec précaution pour ne pas devenir à son tour source de crise.

La période actuelle est marquée par une instabilité idéologique entre néolibéraux accusés d’avoir provoqué la crise et keynesiens pointés du doigt pour avoir mis les Etats en situation de faillite. Le doute sur la direction à prendre se traduit par une cacophonie des stratégies économiques européennes fortement anxiogène. Alors que la situation Grecque a soulevé le défaut dans la cuirasse de la zone euro, à savoir que faute d’adossement à un banque centrale susceptible d’intervenir en cas de difficulté un Etat de la zone peut faire faillite, des économistes font remarquer qu’une trop grande rigueur risque de tuer dans l’œuf un retour de la croissance. Or, la croissance constitue la voie royale pour réduire la dette.

Dans ce paysage tourmenté, le FMI n’est pas particulièrement rassurant. L’institution dirigée par DSK considère à juste titre que le retour à un niveau d’endettement acceptable, grosso modo celui d’avant la crise, est une tâche herculéenne. Attention toutefois à ne pas être trop gourmand prévient-il. Tout doute sur la capacité d’atteindre les objectifs expose les Etats à un fort risque de relèvement des taux d’intérêts et donc, à une envolée du coût du financement de la dette, effaçant au passage une partie des efforts consentis.

C’est dans ce contexte que l’Elysée ouvre la chasse aux déficits. Coulé dans les habits de Père la rigueur, Nicolas Sarkozy emboîte officiellement le pas à l’Allemagne dans une gestion épurée des comptes publics.

Lors de la deuxième conférence nationale sur les déficits, le Président a annoncé son intention d’inscrire dans la Constitution l’obligation faite, dès 2012, à toute nouvelle majorité élue de présenter et d’exécuter des budgets réduisant par paliers les déficits. L’Elysée estime que si la France n’a que rarement tenu ses engagements de contrôle du déficit public, c’est parce qu’on ne les a jamais formalisés et parce qu’ils ne sont pas partagés entre l’Etat et les collectivités locales entre la droite et la gauche.

Il apparaît toutefois risqué voir illusoire de se lier les mains par des contraintes dont on risque dans des situations exceptionnelles de devoir s’affranchir. La crise actuelle l’a bien prouvé faisant voler en éclats les positions dogmatiques de l’UE. L’hyperfluidité des capitaux impose plutôt une très grande réactivité des Etats.

Faire du rééquilibrage des comptes publics un objectif de mandat est une chose, vouloir le graver dans le marbre et l’imposer à ses successeurs en est une autre. Même à droite, notamment du côté du Sénat, on n’est pas emballé.

“Imposer des normes, une discipline, c’est bien, mais une volonté et une capacité à mettre en œuvre cela paraît plus essentiel, a déclaré sur le sujet Philippe Marini, rapporteur général (UMP) de la commission des finances de la Haute assemblée.

Jean Arthuis, le président de cette même commission est tout aussi sévère : “Ce qui compte, ce n’est pas la règle mais de se donner les moyens de ne plus déraper“, “L’édiction d’une norme, cela peut rassurer les marchés… momentanément. Mais si la culture n’est pas à la rigueur, on peut mettre en place toutes les règles que l’on veut. L’édiction de règles est parfois un aveu d’incapacité à faire, cela donne bonne conscience“. Le sénateur centriste s’est par ailleurs déclaré sceptique sur le fait que le gouvernement puisse atteindre “en seulement trois ans” l’objectif de trouver 100 milliards d’euros pour réduire ses déficits.

Fin 2009, le déficit public français s’élevait à 143,8 milliards d’euros, soit 7,5 % du produit intérieur brut (PIB). Il devrait se situer aux alentours de 8,2 % cette année. Le gouvernement s’est engagé, auprès la Commission européenne, à le ramener à 3 % du PIB en 2013. Aujourd’hui, les intérêts de la dette atteignent un niveau équivalent à la moitié des recettes issues de l’impôt sur le revenu.

Le drame de l’Europe, c’est son incapacité à avoir sur sa zone, contrairement au reste du mode de la croissance et ce malgré des déficits publics qui étaient censés la stimuler. “Je suis inquiet pour la croissance en Europe“, a déclaré M. Ayrault, patron des députés PS sur RFI, dénonçant “l’incapacité des dirigeants européens à proposer un programme d’action pour relancer la croissance en Europe“. “C’est quand même invraisemblable, alors qu’en Asie, au Brésil, aux Etats-Unis la croissance décolle”.

Le député-maire de Nantes a plaidé pour “un plan de relance concerté” entre la France et l’Allemagne. Cela “ne veut pas dire que, par ailleurs il ne faut pas veiller à maîtriser les déficits et la dette. Mais si vous combinez les deux, alors vous pouvez remettre un peu de carburant dans la croissance“.

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