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Eric Woerth devient auteur de science-fiction

Publié le 17 mai 2010 par H16

Youpi ! Eric W., précédemment ministre du travail maintenant reconverti dans les romans palpitants et plein d’imagination, vient de sortir son nouveau roman de science-fiction. Intitulé « Document d’Orientation sur la Réforme des Retraites », il narre l’aventure rocambolesque de tout un gouvernement qui, utilisant sans précautions une machine à voyager dans le temps, s’est perdu dans son passé, et tente, par des mesures à la fois comiques et inappropriées, de ramener les curseurs sur le temps présent…

Eric n’est pas un auteur comme les autres puisqu’il autorise, dès à présent, les internautes à lire son roman en ligne. Amazon n’a en effet pas été contacté et il semblerait que cette fois-ci, l’auteur ne souhaite pas engranger de droits sur sa production. A titre éducatif, je vous conseille la petite synthèse en fin de document, ou, en version journalistique, celle du Monde, ici.

D’un autre côté, son texte ne fait que 17 petites pages d’une prose pas vraiment réjouissante à parcourir. Il n’y a pas de femmes fatales, pas de fusillades au laser ou de moon-boots rétro. On y trouve des soucis de vieux, des tracas de politiciens étriqués et une odeur caractéristique, mélange de naphtaline pré-pompidolienne et de vielle urine rance. Je ne miserai pas trop sur un succès de librairie avec cet opus.

Premier constat : il faut sauver le Soldat Répartition.

Et tout, absolument tout, sera fait pour qu’il en soit ainsi, même si cela doit consister à bousculer mémé dans les orties depuis le cinquième étage de l’hospice, sans culotte et sans élastique : bien que le basculement, progressif ou pas, total ou pas, vers la capitalisation a été envisagé et réalisé dans d’autres pays, nombreux, avec des résultats notablement positifs pour qu’ils ne puissent être écartés, il n’en sera pas question ici. C’est une question de principes, de ceux qu’on trouve rangés dans la même boîte que la légalisation joyeuse de l’euthanasie des vieux et la mise sous chloroforme citoyen des jeunes.

Partant de ce principe fixé dans le bronze dont on fait les canons et dans la fonte dont on fait les boulets qui iront aux pieds des esclaves de la prochaine république, il n’y a plus guère de choix : il faut absolument faire revenir le bastringue à l’équilibre, sachant que depuis 2005, on sent le précipice approcher.

C’est le deuxième constat : ça fuit de tous les côtés, la plomberie des années 40.

Quant à lire les solutions proposées, c’est la déroute.

Le petit opuscule d’Eric W., anciennement ministre et nouveau fantaisiste, ne contient rien de concret. Une longue succession de trucs vagues et flous, de petites brises, de vents froids et chauds mais aucune décision claire, aucune base solide.

Pourtant, devant ce constat de déficit, on peut :

Partie recettes :

  • augmenter les cotisations
  • augmenter le nombre de cotisants

Partie dépenses :

  • diminuer le nombre de pensionnés
  • diminuer les pensions

Mais, c’est dit en toutes lettres, on ne veut pas baisser les pensions, ni en montant absolu, ni en pouvoir d’achat. Autrement dit, elles continueront de sucer la pente de l’inflation, qui promet d’être assez raide dans les prochaines années.

Bon. Soit. C’est un choix.

Comme celui d’un suicide par ingestion d’éponges sèches avant un grand bol de soupe.

D’autre part (et c’est, au milieu des 17 pages de prose du W.,  l’Engagement n°6) : on ne veut surtout pas augmenter les cotisations. Gasp. Cela complique singulièrement l’affaire. Certes, pour des raisons de démagogie crasse et de bêtise bulbaire, on ciblera certains revenus (les méchanriches) pour les ponctionner un peu histoire que tout ceci passe bien auprès des électeurs. Ça ne servira à rien : les riches, en France, ne sont pas nombreux et tendent à partir. Les trois pistulons récoltés resteront symboliques.

Va-t-on diminuer le nombre de pensionnés ?

L’une des méthodes consiste à buter du petit vieux dans ses moments perdus, mais elle n’a pas la faveur des votants (eux-mêmes de plus en plus vieux, coïncidence navrante, mais bon, c’est comme ça). L’autre méthode, plus douce, consiste à modifier l’âge du départ à la retraite, en le repoussant, ou en imposant un nombre d’annuités de cotisations plus grand, ce qui revient grosso-modo au même. Le panachage est possible.

Avantage de cette dernière méthode, elle augmente aussi mécaniquement le nombre de cotisants.

Oui mais voilà : toucher à la sacro-sainte Retraitasoissantan, c’est s’assurer de lendemains électoraux douloureux. Alors, on tortille du croupion en cherchant une échappatoire rhétorique. On camoufle donc la triste réalité par une pudique « augmentation de la durée d’activité« .

Bien joué, Eric W., mais ça s’est vu.

Certes certes, tu fais dans le velours (engagement n°8) : tout devra se faire sur des années, looooooooongues et caaaaaaaaalmes, pour lisser bien tout ça bien gentiment comme il faut et ne laisser aucune aspérité électoralement périlleuse.

Amazing Stories of Eric W.

Cependant, la réalité promet d’être un petit peu plus rock’n'roll.

D’une part, il y a cette méchante crise qui couve. Il y a fort à parier que le nombre de cotisants ne va pas violemment augmenter s’ils se multiplient au chômage. Ce qu’on récupèrera peut-être avec une augmentation des durées risque fort de se reperdre en prestations sociales chamarrées pour éponger les effets d’une crise totalement incontrôlable rendue encore pire par les efforts héroïquement stupides du gouvernement à foutre un boxon innommable dans l’ensemble du bousin auquel, soyons bien clair, plus personne n’y comprend rien.

D’autre part, j’ai comme le sentiment que les jeunes, les moins-jeunes, les plus âgés et les petits vieux ne vont pas trop se laisser faire : on leur a tellement seriné que cette retraitassoissantan, c’était du béton promis juré craché, et que le système social de la France, tout le monde nous l’enviait et tout le toutim, qu’à la fin, ils l’ont cru.

Eh oui. C’est benêt, tout ça, mais à force de menteries et de gros bobards, les gens qui payent vous ont cru : ils vont donc réclamer les prestations correspondantes.

Et quand ils se rendront compte que tout ça, c’est du vent, du Madoff puissance 50 …

… eh bien Monsieur W., et d’ailleurs vous aussi, messieurs du gouvernement, je ne souhaiterais pas être à votre place.


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