Le temps, sale garnement, je l'ai sacrifié sur l'autel de l'oubli. Je ne mets plus rien entre parenthèses, je suis décontenancé par toutes ces chaises, dans la salle laissée seule, vassale des grands missiles, je chante et puis j'essuie, sans négliger ni la suie, ni l'acier, lassé je m'enfonce dans une farce féroce.
Mon existence est une phrase qui s'écrit sans ponctuation, sans heurt, toujours haletante, hagarde, je ne prends pas gare, mais la gare m'attend, je suis un coureur de fond, je tourne en rond, autour du stade, je nargue la caisse, n'insistez pas je n'assisterai pas au concert, certes je vous M, mais j'ai la N aussi.
Depuis un temps que je ne compte plus, que je ne capte plus, la fréquence est perdue, l'écran un grésillement scintillant, je ne fais plus ce que je faisais, je ne me reconnais plus, dans la rue je me prends pour un étranger, et je ne parle pas aux personnes que je ne reconnais pas, donc je ne me parle plus, et tout logiquement je ne m'entends plus non plus.
Je ne vais plus au cinéma, je ne rêve plus, je ponds des images, je travaille à l'édification de structures mobiles aux parois préfabriquées, après avoir au préalable abattu des arbres et préparé des madriers, que je finis par entasser, le coeur gros, je bâtis une maison que je n'habiterai jamais.
Ce qui m'intéresse c'est le chantier tant qu'il court, ce qui m'intéresse c'est le voyage tant qu'il dure, quand la destination m'atteint, ce n'est plus moi, c'est la règle du jeu, je suis pris d'assaut par une vague de soubresauts et je ressens de la peine pour Athènes.
Franchement, vous pensez que je vous mens, je ne peux pas vous dire tu, je ne peux pas te dire vous, pas de retour en arrière, pas de croisière sur le Nil, je ne fais jamais demi-tour, même dans les impasses, je fonce contre le mur.
Triste conclusion, voilà où me mènent mes circonvolutions mentales, je ferais mieux de chanter la vie, chanter l'amour, chanter le rire et les champs, chanter les fleurs, chanter les fleuves, chanter le bonheur et la peur.