Ce petit article permet, j’espère, d’éclairer la relation entre foot et sponsoring à travers une des plus grosses surprises de la liste de Domenech : la double absence de Karim Bezema et Samir Nasri.
J’ai focalisé sur cette double absence, parce qu’au vu des prestations, des CV et de la mentalité de ces joueurs, la surprise est pour moi immense mais aussi parcequ’ils sont tous deux sous contrat avec Adidas et je me suis posé la question : au prix auquel sont payés ces joueurs pour médiatiser la marque, quel est le manque à gagner pour la marque aux trois bandes ?
Petit récapitulatif sur les sponsors de l’Equipe de France (des erreurs ont pu se glisser car on ne trouve pas toujours des informations à jour ou bien justes) :
Nike :H. Lloris ( ?), E. Abidal, P. Evra, A. Réveillère ( ?), W. Gallas, J. Toulalan, A. Diarra, L. Diarra, A. Diaby, F. Malouda, F. Ribéry, T. Henry, M. Valbuena soit 13 joueurs
Adidas : S. Mandanda, C. Carasso, M. Planus ( ?), Y. Gourcuff, S. Govou, P.-A. Gignac, D. Cissé soit 7 joueurs
Puma : B. Sagna, S. Squillaci ( ?), N. Anelka soit 3 joueurs
Umbro : G. Clichy soit 1 joueur.
Parmi les non sélectionnés du passage de la liste de 30 à 24, côté Adidas, on peut également citer M. Landreau et J. Briand.
Petit retour sur quelques chiffres et propos parlants :
- Le maillot de l’équipe de France en 1998 était en rupture de stock dès les quarts de finale, alors certes le moment était particulier mais quand même
- Adidas écoule environ 1,7 million de paires de chaussures de foot et la chaussure la plus représentative devient souvent la locomotive des ventes (ex. La Predator accelerator).
- J.L. Legrand (cadre communication chez Adidas) en 2008 annonçait dans Lyon Mag « Sur le plan marketing Karim Benzema c’est le futur Zidane » à tel point que la marque est prête à investir 500 000 euros/an de sponsoring, mais avec cette absence…
- L’équipementier sportif, partenaire de l’Equipe de France de football, a vendu 500 000 maillots aux couleurs des Bleus lors de la campagne de 2006 (France finaliste)
- Adidas est le plus gros équipementier de cette coupe du monde avec 12 équipes sur 32 dont la France, l’Allemagne, l’Argentine, l’Afrique du sud…
- Adidas équipe depuis 40 ans la Coupe du monde pour le ballon, qui est également la plus grosse vente pour cet événement.
Cependant, le rachat de Reebok par Adidas semble faire incliner la balance de la vieille allemande vers l’Amérique du Nord. En effet, ce rachat (pour 3,1 milliards d’euros) permet, en termes de chiffre d’affaires, non seulement de se rapprocher du Géant Nike, 13 milliards de dollars contre 9 milliards d’euros pour Adidas (11,7 milliards de dollars), mais aussi de se rapprocher d’un marché qui est considéré comme plus porteur que celui du vieux continent.
Reste que malgré une concurrence féroce, Adidas est parvenu à maintenir sa première position du baromètre « European Football Brands Top 20 2009/2010″. L’équipementier allemand devance Nike et Puma, dans ce classement réalisé par Sport Markt, auprès de plus de 3 000 supporters européens de football. Les 3 bandes restent le sponsor européen le plus connu en Europe.
Le rachat du maillot de l’équipe de France par Nike (pour 42,6 millions par an de 2011 à 2018 au lieu des 10 millions par an d’Adidas) serait-il un signe de temps changeant ou bel et bien une victoire de Nike sur Adidas ? Autant de questions qu’il nous semblait bon de poser à Emmanuelle Gaye. Celle-ci a rejoint l’équipe marketing/communication d’Adidas France au poste de responsable des relations presse et relations publiques depuis 2004. Bien entendu le propos sont condensés et les mots sont les plus exacts possibles, mais difficile de retranscrire un dialogue téléphonique de plusieurs minutes de manière exhaustive. Je m’excuse donc par avance si quelques faussetés se sont glissées dans ce texte.
Première question : La double relation en termes d’équipements (Maillot/chaussure) peut-elle créer des tensions entre les équipementiers ou des complications de relations avec les joueurs ?
E.G. : Non, il n’y a pas de particularité de ce genre. Les règles sont bien installées. Lors de certaines compétitions, on peut parfois même avoir trois niveaux avec l’équipementier individuel, l’équipementier national et l’équipementier pour les JO. Mais aujourd’hui, tout le monde joue le jeu et ce qui prime c’est l’équipe ou la délégation.
Deuxième question : Quel est, quantifiable ou pas, le manque à gagner, en termes de communication pour Adidas, de la non qualification de Karim Benzema ou de Samir Nasri ?
E.G. : Vous savez la coupe du monde et les contrats sont signés pour une durée avant et après celle-ci, donc pas d’incidence sur la relation. Adidas a pour volonté de s’inscrire dans la durée dans la relation avec ses sportifs, alors certes naturellement on aurait préféré qu’ils soient sélectionnés mais la qualification de P.-A. Gignac ou de D. Cissé sont des points qui compensent cette absence, l’important reste cette globalité plus que les individualités.
Troisième question : la qualification surprise dans la liste des 30 d’un joueur comme Yann M’vila, avec le coup de projecteur qu’elle apporte, pourrait’ elle pousser un équipementier à s’intéresser à un joueur comme lui ?
E.G. : Le fait d’équiper un joueur est un projet qui s’inscrit dans la durée. Nous préférons construire des histoires comme celle avec J. W. Tsonga, signé à ses 15 ans, et le soutenir lorsqu’il n’est pas dans la lumière, par exemple lors de ces 18 mois de blessure.
Par contre il est certain que de temps en temps, une surprise peut nous amener à signer, comme lors de la dernière coupe du monde de foot ou au vu des résultats de l’équipe du Mexique (depuis 1994 toujours éliminé en quart de finale, mais toujours avec des parcours forts).
Quatrième question : Les sommes versées pour l’attribution du maillot de l’équipe de France ont explosé avec le rachat par Nike, Sommes nous à un maximum ou pensez vous que les sommes versées par les équipementiers dans le foot vont continuer à grimper ?
E.G.: Sincèrement, ce n’est pas du tout la volonté d’Adidas. Il y a des limites à l’indécence. Même si Adidas continuera de s’impliquer dans le football français, nous pensons également nous renforcer dans d’autres sports avec par exemple 14 des 17 délégations françaises aux Jeux olympiques ou encore dans le handball, qui est effectivement en plein essor et nous avons des produits reconnus.
Cinquième question : Pensez-vous que la mauvaise presse et les différentes polémiques autour de l’équipe de France tendent à avoir un impact négatif sur les ventes de maillots et l’image de manière générale de cette équipe ?
E.G.: Aujourd’hui Adidas reste selon un sondage, réalisé au lendemain de la qualification difficile contre les irlandais, la marque préférée des Français, concernant les ventes de maillot tout va bien. Je pense que cette inquiétude pré grande campagne sportive est un réflexe français dans tous les sports. C’est d’autant plus vrai dans le football parceque nous craignons tous de ne pas revivre l’émotion de 1998. Pour ce qui est de la situation de l’équipe de France, nous sommes aujourd’hui dans un entre-deux générationnel et il faut le prendre en compte, nous sommes en reconstruction depuis plusieurs années et les joueurs devront apprendre à jouer ensemble..
Mais mon avis, le voilà : à partir du 11 juin les joueurs décideront de la tournure des évènements, pas l’équipementier qui est là pour équiper, ni les supporters qui sont là pour supporter.
Dernière question plus globale : Avec le rachat de Reebok, on sent qu’Adidas louche sur l’Amérique du Nord, qu’en est-il ?
E.G.: Je vous rassure nous ne désertons pas la France. Reebok est une marque mondiale et même si des stratégies existent, elles sont plus liées aux segments forts de ces deux marques, par exemple le Fitness et le Basket-ball pour Reebok, que pour des zones géographiques.
Le siège d’Adidas reste en Allemagne et la France reste un des pays clés de la zone.
Et en off : avez-vous des informations sur des opérations Adidas à venir ?
Alors pour le très proche avenir une séance de dédicaces aura lieu au Adidas Store sur les Champs Elysées avec toutes les stars du rugby internationales Jonah Lomu, Doug Howlett, Ronan O’Gara, Brian O’Driscoll et Lionel Beauxis samedi matin de 10h à 11h30.
Pendant la coupe du monde, nous axerons la communication sur les aspects Football mais aussi sur la mode urbaine et le monde de la rue.
Pour ce qui est de nos communications, nous renforcerons notre positionnement sur le web.
Peit point pour terminer, cette bataille entre géants, ne peut qu’arranger l’outsider Puma. Ce dernier mise sur le sponsoring de niche. L’année prochaine, il a obtenu d’être l’équipementier du ballon pour la ligue 1 lors du championnat de France de 2010, à voir… Le football en tout cas continuera d’offrir de belles batailles sur et hors du terrain !!
Merci à Brice (community manager d’Adidas) et à Mme Emmanuelle Gaye (Porte-parole Adidas France) pour le temps accordé à LinkinSport ainsi que pour les crédits photographiques offerts.