Bonjour, nous sommes en direct du palais des festivals de Cannes, où une biographie massive de Carlos squatte l’écran de la grande salle Lumière.
5h30 de “Big bisous”, de “tirelipimpon sur le chihuahua”, de “mékesstuboisdoudoudidon”. Bigre !
Ah, mille excuses, il y avait une imprécision dans mes fiches : le film d’Olivier Assayas n’est pas une biographie de Carlos, le chanteur, mais de Carlos, le terroriste.
En fait, il s’agit de l’intégrale de la mini-série télévisée programmée sur Canal + la semaine prochaine, une longue fresque relatant les faits d’armes de ce terroriste “professionnel”, dont la vie a été toute entière dédiée à la lutte armée…
La présence du film en sélection officielle a occasionné une petite polémique sur la Croisette. Etait-il opportun de programmer cette longue oeuvre télévisuelle en sélection officielle, et de mobiliser pendant une demi-journée la grande salle de projection, au détriment de séances supplémentaires pour les autres films ?
Résultat : moins de place(s) pour les films en compétition ce jour : deux séances pour Poetry, une seule pour Schastye Moe (Mon bonheur). Deux oeuvres intéressantes, par ailleurs, qui pourraient postuler à un prix. La première est un de ces films dont Lee Chang-dong a le secret, à la fois sombre et lumineux, très dense malgré son apparente simplicité. Il y aborde les thèmes de la vieillesse et de la mémoire, de l’insouciance de la jeunesse et y traque, comme son nom l’indique, des traces de poésie dans un monde de brutes…
La seconde est le premier film de fiction de Sergueï Loznitsa. Une “partie de campagne” au coeur d’une Russie plombée par la misère et la corruption, dont le rythme assez lent, proche des derniers films de Sokourov – influence revendiquée du cinéaste – a fait fuir plus d’un spectateur…
Si Carlos a créé un petit événement, la véritable star du jour était à chercher du côté du Palais Croisette et de la Quinzaine des réalisateurs. Et ironie du sort, c’était également pour un documentaire destiné… à la télévision. Mick Jagger est en effet venu en personne présenter Stones in exile le documentaire que Stephen Kijak a réalisé sur l’élaboration de l’album “Exile on main street”, en 1971. Les Rolling Stones étaient alors en délicatesse avec le fisc britannique et avaient dû se réfugier dans le sud de la France pour continuer à travailler. Installé dans le sous-sol de la luxueuse villa de Keith Richards, le groupe a pris tout son temps pour composer des morceaux écrit au gré des influences musicales et des envies, sans pression. Le tout entre deux gueules de bois et trips en tout genre, car, de par la proximité de Marseille et de l’Italie, les Stones avaient accès facilement à toutes sortes de substances illicites – marijuana, cocaïne, héroïne. Il est des exils plus pénibles que d’autres…
Le documentaire en lui-même, essentiellement composé de vieilles photos d’archives commentées par les intervenants de l’époque, n’a rien de révolutionnaire, mais il s’est laissé voir avec plaisir…
Autres oeuvres présentées aujourd’hui dans cette section : Vous êtes tous des capitaines et All good children.
Je n’ai pas vu ce dernier, dont les premiers échos sont positifs. En revanche, j’ai vu le premier, un nouveau film-concept, autour du film dans le film, portrait d’une oeuvre en construction et objet d’art à part entière. Le film vaut par sa démarche : sensibiliser de jeunes marocains à la mise en scène, pour leur permettre de s’émanciper via la création artistique, mais il vaut aussi et surtout par la beauté de ses images, sublimes vues en noir et blanc mettant en valeur la ville de Tanger.
A Un Certain Regard, le cinéma sud-américain a confirmé sa bonne santé avec Octobre, premier film de deux cinéastes péruviens, Diego et Daniel Vega. Une comédie sociale doublée d’une fable morale, dans lequel un prêteur sur gages peu aimable voit sa vie bouleversée par l’irruption d’un bébé, abandonné à son domicile. Amusant, mais un peu longuet, malgré sa courte durée (1h23).
Autre film présenté, Udaan, film indien formidable, d’après les premières rumeurs…
La Semaine de la critique présentait, elle, un film vietnamien Bi, don’t be afraid dont je n’ai pas plus entendu parler…
Puisque les courts-métrages ont fait leur apparition hier en sélection officielle, avec la compétition courts-métrages, puis aujourd’hui avec la Cinéfondation, la semaine de la Critique s’y est mise aussi, avec la projection de la traditionnelle collection Canal + et d’une séance spéciale réservée aux moyens-métrages.
A noter aussi, dans le cadre de Cannes Classics, la projection du film de Pierre Etaix,Le grand amour. Histoire de célébrer la victoire du cinéaste dans la lutte qui l’opposait aux détenteurs des droits de ses films. Ce cinéaste méconnu, héritier de Chaplin et Keaton, porteur de l’esprit poétique de Jacques Tati (dont il fut le collaborateur), a enfin récupéré la propriété de ses oeuvres, les a fait restaurer et va pouvoir de nouveau les diffuser en salle.
Un autre héritier de Tati, géorgien celui-là, présentait son nouveau film, hors compétition et en séance spéciale. Otar Iosseliani vient en effet d’achever Chantrapas. J’aurais bien aimé accéder à cette projection, mais l’accès aux séances à l’intérieur du Palais est souvent compliqué pour qui ne possède pas de badge prioritaire…
Mais je me suis vite consolé, car c’est cette impossibilité qui m’a conduit à m’exiler à la Quinzaine et à croiser Mick Jagger. Satis-faction !