La liste des meilleures ventes de livres au Japon est occupée cette année par des mobile novels, ces romans publiés et lus sur des écrans de téléphones portables, et pour certains écrits avec. C'est Times qui nous avertit et se fait l'écho du désarroi de la critique littéraire japonaise : "The fact that young readers are being exposed to immature expressions and stunted vocabulary will accelerate illiteracy and dammage their ability to express themselves." - de toute manière on va tous crevés !
Le public visé est en effet jeune : autour de vingt ans. Le format imposé condamne les textes à être scindés en de courts fragments téléchargeables sur un portable depuis Internet, à lire en trois minutes entre deux stations de métro. Le résultat semble ne pas être très littéraire : "I'm short, I'm stupid, I'm not pretty, I'm rubbish, and I've got no dreams." (extrait du numéro un des ventes au Japon, Love Sky, de Mika) - et nous qui nous plaignions de notre littérature !
Cependant, à ses origines, le roman lui-même était perçu comme une forme d'expression populaire. (L'art est un lent anoblissement du trivial.) Même ainsi formatée, la littérature pour téléphones portables n'est limitée que par son manque d'ambition : qu'elle pense à s'élever, qu'elle oublie son public, et alors c'est à des romans ramassés en haïkus qu'on aura droit. Ce qui est mieux.
(Photo : Laurent d'Ursel.)