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Le son de la pluie qui claque sur le pavé, combien de temps que je n’avais plus écouté le silence avec attention, combien de temps que je m’use les nerfs à freiner tout au bord, à fermer les yeux sur ma propre condition, combien de temps que je me ronge les sangs jusqu’à la veine, chair cancéreuse et boursouflée. Le son de la pluie qui s’écrase lourdement sur le béton, soulevant des nuages de poussière cotonneuse, j’ai toujours trouvé ça rassurant. Je triche en oubliant d’angoisser contre toi, je triche avec la bouteille de whisky quand t’es pas là. Ma seule crainte, c’est que mon sourire tombe à terre et qu’un talon indélicat le broie. Fais chier, j’ai encore envie d’insouciance, j’aurais jamais ma dose, jamais. La pluie grêle sur la ferraille de mes volets, j’ai envie d’aller marcher, d’attraper froid, de finir trempée du crâne aux chaussettes, j’ai surtout envie de t’emmener avec moi et que personne ne pleure, un grand éclat de joie frauduleux en prélude au miracle, marcher le plus loin possible pour se faire un regard neuf, se faire laver, essorer, sécher aux étoiles ou juste aux réverbères, il va forcément se produire un truc, ou bien seulement un nouveau matin. Il y aura peut être un clic, déclic, un messie fantomatique aux allures décadentes. Il n’y aura peut être rien. Je ne veux pas connaître l’avenir, déjà parfois j’ai du mal à encaisser le présent, d’autres aussi c’est tellement brillant que je dois plisser les yeux. Une seule chose à la fois, un seul bonbon par tête de pipe. Le chagrin réconfortant de la pluie sur le balcon. L’ex amoureux en visiteur impromptu, sans raison, minuit dix, il s’est assis sur le coin du lit, comme avant, a dit, ça ira mieux quand je serai parti pour de bon. J’ai dit, c’est vrai. J’ai dit, c’est décidé, je reste là, moi. C’est ma seule maison. Il est reparti, minuit trente, m’a embrassé sur la joue, c’est toujours ça de triste en moins, toujours plus facile de laisser se tirer quelqu’un qui rentre les griffes. Filer doux, apprivoiser sommairement. Grossièrement. J’ai envie d’insolence, j’ai envie d’être fou, mais je sais, je sais. Je sais. J’y arriverai tu sais, un jour, à me tirer la balle dans le genou qui me fera plancher, flancher de l’autre côté de la ligne de départ sur laquelle je reste plantée. J’y arriverai mais pour l’instant ça me remue dans les tripes, ça se refuse à moi la gorge nouée, j’ai pas envie de me faire à cette vie là je veux que ce soit elle qui s’habitue à moi, épouse ma forme, marche avec moi, je crache dans les rouages pour que ça continue de tourner, j’ai pas envie de raison mais pour soudoyer ça faut les moyens. Galère, chéri. Pourtant tout s’arrête un jour mais c’est pas grave, il faut tourner quand même, tourner jusqu’à ne plus rien comprendre et vomir sur les pieds de ton voisin, il faut se ranger, et tu sais je suis plutôt douée en ménage mais écoute, si réellement j’ai pas de futur, je me contenterai de mourir jeune, et avec indécence. Franchement, je ne veux pas croquer dans cette pelletée de regrets et oui ça me regarde, j’aime pas le goût de la terre sur les gencives, j’aime pas les vers dans le fond du gosier, c’est peut être la lose ma cabane sous la peau mais c’est très beau. Dis toi bien, colle toi ça dans la caboche, c’est pas le monde qui me passera dessus, c’est moi qui le boufferai au goûter. J’ai les dents pointues, la salive acide, un couteau dans la poche. Des clous à planter. Les pognes vides mais pas les orbites, non, pas encore. C'est moi qui choisit, virgule, ou je te troue la panse. Virgule encore. D'une oreille à l'autre. Rouge vive. Il me reste assez d'imagination pour ne pas déclarer forfait, je blague pas tu sais, tiens, donne moi le bras. J't'emmène. Pas besoin de parapluie.