La fille qui reprenait la plume pour ne pas devenir cinglée

Par La Chose

Parce qu’une blogueuse femelle a neuf vies, comme les chats, et que c’est bien pour ça que les blogs de filles grignotent la blogosphère comme le chiendent dévore les jardins potagers…

La première chose qu’on a faite, quand on a emménagé au pays des menhirs et du biniou, c’est essayer de se fondre dans la masse.

Dit comme ça, je sais que ça peut sonner un peu con, mais il faut avoir débarqué à gauche de la carte de France avec une Clio immatriculée “93″ pour comprendre: toutes les vioques de mon quartier, elles nous prenaient pour des trafiquants de drogue Moldaves assoiffés de sang et impliqués dans la Traite des Blanches, la fabrication artisanale de bombes atomiques persanes et l’assassinat de concierges portugaises. Du coup, elles se barraient en courant dès qu’on mettait le nez dehors, vu que la voiture était garée juste devant la maison.

Donc on avait très envie de faire rapidement couleur locale, surtout que Phlegmon nous avait déjà bien mis la honte à l’occasion de son premier jour de classe, quand elle a expliqué à sa nouvelle maîtresse qu’elle n’a pas personnellement choisi d’habiter en Armorique, que c’est une décision purement parentale, et que donc c’était pas la peine que toute la classe se mette à brailler « Degemer mad, Penaos ‘mañ ar bed ganeoc’h ? » pour l’accueillir. La maîtresse, elle l’a regardée comme si elle sentait le poisson pas frais, et puis elle l’a renvoyée à sa place. Le soir, quand je suis venue la chercher, la maîtresse m’a demandé si on avait des problèmes dans la famille, quelque chose qui pourrait expliquer ses tendances à l’inadéquation sociale. Je suis pas sûre que mettre Phlegmon à Sainte Fistule était une bonne idée, en fin de compte.

Pour faire couleur locale, on a commencé par manger des crêpes, beaucoup de crêpes. J’avais aussi suggéré qu’on se déguise en bigoudènes et qu’on crie “piiirates!” comme dans la pub, mais Loutre m’a demandé si j’avais vraiment envie de finir au fond de l’estuaire de l’Aber Wrac’h avec deux tonnes de ciment aux pieds.
On a aussi décidé de s’initier à la musique celtique et on a failli se taper l’intégrale de Manau, qui est un groupe de rap tout pourri. Heureusement qu’on s’est rendu compte qu’en fait ils avaient tout piqué sur Alan Stivell et Ar Re Yaouank, du coup on a au moins évité d’écouter Panique Celtique, qui est peut-être un grand album mais qui me fait quand même beaucoup penser à une gentille compilation pour débiles légers.
On a changé notre plaque d’immatriculation et maintenant, on a un beau drapeau breton dessus (c’est depuis ce jour que le père de Loutre, qui est Normand, ne nous adresse plus la parole).

Au bout du compte, on s’est rendu compte qu’il nous manquait encore quelque chose si on voulait vraiment faire oublier qu’on venait d’une grande ville polluée peuplée de sociopathes sous acide, de conducteurs de métro en grève et de bobos gavés au quinoa “bio”.
Un chien.
Ben oui, parce que tous les habitants de notre rue, ils ont un chien. Un chien qu’ils promènent avant d’aller bosser, puis à la pause déjeuner, puis le soir. Ils font leur jogging avec le chien ou partent en week-end à Loc-Maria-Plouzané avec lui. Ils se croisent dans la rue et se crient “Demat!” ou “nozvezh vat!” pendant que leurs chiens se flairent joyeusement le cul.
Donc il nous fallait un chien. Un chien armoricain, tant qu’à faire.

Évidemment, si j’avais su, j’aurais plutôt choisi de passer les trente prochaines années dans une prison turque, avec le best of d’Hervé Villard pour seule musique de fond et la filmographie complète d’Eric Rohmer pour unique distraction.
….
Ceci étant dit, oui, je me remets à bloguer, sinon je vais commettre un infanticide avec la circonstance aggravante d’avoir noyé l’enfant en compagnie de son animal favori dans le même sac poubelle.


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