Il y a quelques semaines, j'avais été contacté par le biais du blog pour participer à l'émission "c'est quoi l'amour ?" sur TF1 (rassurez-vous, ca ne s'est pas fait, ce n'est pas demain la veille que vous me verrez à la télé !).
La journaliste me pose tout à un tas de questions pour évaluer mon témoignage, dont celle-ci qui m'a particulièrement troublée.
Elle me demande si Marie-Lou avait le droit de jouer avec son frère, de l'approcher... Je lui réponds que bien sûr, au contraire, je souhaite qu'ils aient une relation et surtout que Guillaume n'est pas en sucre. Même si elle ne fait pas trop attention, elle ne va ni le casser, ni lui faire mal (ok, j'avoue, une fois elle a voulu "marcher" sur Guitou allongé par terre mais à peine avait-elle posé un pied qu'il a tout de suite crié, elle est partie !).
J'ai trouvé cette question étrange car, si bien sûr, certains enfants ont un handicap très lourd, qu'ils sont plus fragiles, qu'il faut certainement plus protéger, cette idée de cocon me gène. Comme s'ils fallaient forcément leur fabriquer un abri sous le pretexte qu'ils sont différents. Je ne partage pas cette idée. Il faut beaucoup d'adaptation, des soins différents mais pas forcément les couper du monde sous prétexte qu'il peut être cruel.
De la même façon, aujourd'hui je reçois une invitation à rejoindre un groupe facebook : " Mon enfant est handicapé(e) et ce n'est pas facile tous les jours !!!". Bien entendu, je comprends la démarche, l'envie d'avoir un lieu où l'on peut déposer un coup de gueule, se sentir moins seuls face aux difficultés, etc...
Pourtant, en lisant la description du groupe, je ne m'y retrouve pas du tout. D'abord, le " ce n'est pas facile tous les jours" ne me convient pas. Bien sûr que c'est galère, je suis la première à le dire, mais bon, je ne sais pas, y'a un côté pathos dans cette façon d'apréhender le handicap qui ne me plait pas. Peut être aussi que je suis à un moment de mon cheminement autour du handicap de Guillaume qui fait que j'ai un peu tendance à rejeter en bloc tout ce qui peut mettre en exerbe les côtés négatifs du handicap.
Mais bon, on pourrait créer un groupe "j'ai un enfant, et ce n'est pas facile tous les jours", ou alors "je suis au chomage et ce n'est pas facile tous les jours" (p'etre même que ca existe déjà des groupes comme ça)... Chais pas... Je trouve que ca ne participe pas à tirer vers le haut les parents et l'acceptation du handicap par les familles et la société, mais plutôt se complaire dans son malheur...
Le soutien, c'est normal d'en rechercher, le besoin de partager avec d'autres familles. Mais je n'aime pas que ce soit fait sous la bannière du "plaignez moi".
Ensuite, en continuant ma lecture de la description du groupe, il y a cette phrase : "tous les jours je culpabilise de la voir partir à l'institution alors que ses frères sont avec moi quand ils n'ont pas école". Ca me fait bondir ! Handicapé ou pas, un enfant a besoin d'avoir du temps "rien qu'à lui", sa propre vie, son jardin secret et des moments sans ses parents. S'il est bien dans le centre où il va, si le projet d'établissement convient aux parents, qu'y a -t-il de culpabilisant à faire aller son enfant au centre ? Parce qu'on a un enfant handicapé, on doit se sacrifier (et le sacrifier) et ne s'occuper que de lui, tout le temps ? Aussi mineure soit-elle, la vie sociale d'un enfant handicapé n'en demeure pas moins importante.
Personnellement, je ne tiens pas à garder Guillaume, toute ma vie près de moi comme un éternel bébé. Je ne suis peut-être pas assez maternelle, je n'en sais rien. Même s'il ne peut pas vivre seul, travailler, être autonome, je pense qu'il aura besoin, devenu adulte, d'avoir un temps sans nous, un temps à lui. Même avec un retard mental, ce ne sera pas toujours un enfant, et tout au long de sa vie il aura fait des apprentissages, des expériences qui font qui doivent l'amener à pouvoir vivre sans ses parents.
Bien entendu, le fait de placer son enfant dans un institut permet aux parents de se liberer du temps, mais n'est-ce pas ce qu'on se dit quand son loulou entre ENFIN à l'école ? ... Ou quand il a classe et qu'on fait le pont au travail ? On culpabilise aussi ????
Enfin, je lis cela :"de décider pour elle de chaque intervention qu' elle doit subir et de ne pouvoir rien faire"...
Je comprends tout ce qui nous sépare. Je ne sais pas "à quel point" est handicapé sa fille (je mets les guillemets car je n'aime pas cette formule mais je n'en trouve pas d'autre) et donc je ne peux juger qu'à la lumière de ma propre expérience. Malgré tout, je me rends compte que quelque chose nous sépare définitivement. Mon but, tout ça, notre vie, c'est de permettre à Guillaume de s'exprimer, ne serait-ce qu'un tout petit peu, par quelque moyens que ce soit, pour que justement je ne sois pas celle qui décide pour lui, toujours. Je veux qu'il puisse choisir. Et aujourd'hui déjà, je guette le moindre sourire, la moindre mimique, le moindre pleur pour tenter de comprendre ce qu'il veut.
Je ne peux pas partager les difficultés de cette famille car mon regard sur mon enfant est radicalement différent. Je veux consacrer mon énergie à lui donner des moyens plutôt que de la perdre dans la culpabilité (même si bien sûr, je culpabilise... mais qui ne culpabilise pas ?). Je n'aurai jamais pu être à l'origine d'un tel groupe finalement. Pourtant, je reste persuadée que cette maman a voulu donner un message positif !
Et tant qu'à parler de groupe facebook autour du handicap, je vous propose de rejoindre la page "nuances handicap" car voilà une démarche comme je les aime !