Lors de sa première conférence de presse conjointe, David Cameron a reconnu, jovial, avoir dit dans le passé que pour lui une bonne blague, c'était Nick Clegg, et le chef libéral démocrate de feindre comiquement de quitter l'estrade. « Tous nous allons devoir ravaler certaines paroles et je ne pense pas trouver un meilleur régime pour conduire ce pays », répondait Cameron aux journalistes. Mais ce ne seront pas seulement des paroles que devront ravaler les deux partis en coalition, mais aussi une partie de leur programme électoral. Plusieurs propositions des uns et des autres ont survécues à la négociation, d'autres furent diluées, rejetées ou suspendues.
La priorités des Tories – contenir le déficit grâce à des diminutions des dépenses publiques plus que par une augmentation des impôts – a le feu vert. Le conservateur George Osborne prend le portefeuille de l'économie et le libéral démocrate Davis Laws, venant de l'aile pro-marché du parti, sera son second. Les mesures populistes contre les banques des deux partis sont conservées, au grand dam de la City, et le taux maximum sur les bénéfices du capital augmentera jusqu'à 40% (bien que Clegg défendit le taux de 50%). Les actifs des entreprises sont exempts, mais il faut encore voir si les fonds d'investissements seront touchés et si se produira une fuite vers la Suisse ou d'autres cieux plus cléments.
L'« impôt sur les villas » des LibDems disparaît de la carte, ainsi que l'agrandissement de Heathrow voulu par les conservateurs. Les propositions tories de réduire l'impôt des sociétés à 25% et de diminuer l'impôt des successions devront attendre, semble-t-il. L'augmentation des cotisations sociales approuvée par les Travaillistes – qui plombe la création d'emplois – sera partiellement contenue. La louable proposition libérale démocrate d'élever le minimum d'exemption d'impôt sur le revenu pour se voir contrariée par une augmentation de la TVA. (Rappelons que les impôts indirects sont régressifs : ils pénalisent la consommation et les plus pauvres qui sont ceux qui consacrent la plus grande partie de leurs revenus à la consommation.) Les impôts locaux ne seront pas congelés comme le souhaitaient les Tories, mais on n'en ajoutera pas non plus comme le désiraient les LibDems.
Deux nominations intéressantes : Ian Duncan Smith, en charge des pensions et allocations, qui prétend introduire des réformes dans le système d'État providence qui incite trop facilement à l'oisiveté ; et Michael Gove à l'enseignement, ce qui laisse présager que les Tories feront avancer leur plan pour autoriser (et subsidier) la création et la gestion de nouvelles écoles par des organisations privées et introduire la concurrence dans le secteur.
Le Royaume-Uni n'entrera pas dans l'euro ni ne cèdera plus de pouvoir à Bruxelles (bien que l'idéal serait plutôt d'en reprendre). Le pacte pour une économie plus « verte » se traduira par des investissements anti-économiques dans des énergies « renouvelables » et une nouvelle taxe sur le transport aérien, pour que les petits budgets restent près de la maison pendant les vacances. Les Tories veulent l'énergie nucléaire et les LibDems ne voteront pas contre (mais ils obtiennent le portefeuille de l'Énergie).
Les Affaires étrangères va pour les conservateurs et le nouveau gouvernement continuera la même politique en Afghanistan : William Hague a déjà confirmé auprès d'Obama l'engagement britannique. Les conservateurs auront leur top en immigration et les LibDems restent sans leur amnistie. En ce qui concerne les liberté civiles, les deux partis vont à l'unisson : élimination de la carte d'identité et de la base de données ContactPoint, extension du Freedom of Information Act, modifications de la législation sur la diffamation pour mieux protéger la liberté d'expression et une réglementation plus stricte de l'usage de la vidéo-surveillance. Et pour la réforme électorale, ils sont tombés d'accord pour passer par un référendum sur le vote alternatif.
En définitive une coalition de bonnes et mauvaises idées dont il faudra tirer le bilan plus tard.