Ce qui frappe avant tout dans le premier long-métrage de Neill Blomkamp, c’est sa capacité à immerger d’emblée le spectateur au cœur d’une réalité alternative avec un esprit de synthèse et de
concision narrative remarquables. L’on apprend ainsi que des extra-terrestres se sont échoués en Afrique du Sud vingt-huit ans plus tôt, se trouvant dans l’incapacité technique de repartir. Ces
êtres venus d’ailleurs ont alors été placés dans un immense camp de réfugiés, le district 9.
Les tenants et aboutissants sont ainsi exposés avec la plus grande des clartés dès le départ, à travers les images d’un documentaire à l’intérieur du film. Riche idée que d’avoir opté pour ce parti pris de mise en scène, cette dernière permettant de ramener le film à notre réalité et de mettre le spectateur face à des considérations bien réelles. Ainsi, ce documentaire opère chez le spectateur un rapprochement fiction/réalité avec une efficacité maximale.
Cependant, le réalisateur ne se borne pas à nous présenter une mise en scène exclusivement filmée à la manière d’un reportage (puisqu’encore une fois, seules les images provenant du « faux » documentaire le sont), mais nous propose également une réalisation purement cinématographique dès que l’on sort du reportage (et donc que l’on se situe du côté des aliens). Et dans cette discipline, Neill Blomkamp excelle à trousser des scènes d’action d’une lisibilité et d’une efficacité à toute épreuve. Il faut voir à ce titre l’incroyable scène de combat final, véritable morceau de bravoure immersive, qui donne envie de se lever de son siège et d’aller se jeter à travers l’écran pour rejoindre l’action. Les corps explosent, le sang gicle, les têtes et les membres volent, les incroyables armes extra-terrestres détruisent tout sur leur passage, le tout en un crescendo accélérant littéralement le pouls et produisant une réelle montée d’adrénaline. A coup sûr, cette scène de combat final fera date.
Mais ce qui sous-tend l’intégralité du métrage, ce qui lui donne sa légitimité et sa force de propos, ce sont les thèmes brassés par le metteur en scène. L’absence d’égalité entre les êtres, le
racisme, la peur et le rejet de l’inconnu, ces thèmes ont certes été exploités à tour de bras au cinéma, mais Neill Blomkamp leur donne ici une résonnance particulière, en cela qu’ils convergent
tous dans le film vers une seule et terrifiante vérité : le besoin impérieux de l’homme de se trouver des victimes. A tous les niveaux, chaque personnage humain du film exerce à un moment ou à un
autre une domination soit sur les extra-terrestres (domination de masse) soit sur ses congénères (domination individuelle). Ce propos terrifiant car bien réel plonge in fine le film dans
une atmosphère profondément pessimiste et terriblement réaliste sur notre propre nature, puisque chacun d’entre nous la retrouve en soi, à un niveau ou à un autre. Le fait que l’histoire se situe
en Afrique du Sud renforce encore davantage le coup de massue ainsi asséné.
Impossible enfin de passer outre l’image finale, véritable uppercut d’émotion instantanée nous explosant en plein cœur, et s’imprimant en nous avec cette puissante et singulière beauté que peut
paradoxalement renfermer la tristesse.
Au terme de la projection de District 9, l’on ressort véritablement groggy, à la fois grisé par l’extraordinaire puissance visuelle et immersive se dégageant de ses scènes d’action, mais
surtout un peu honteux d’avoir vu son propre reflet dans l’écran de cinéma, ce dernier s’étant durant 1h50 transformé en un terrifiant miroir.