“Comme vous continuez de refuser d’accepter le principe de l’allongement de la durée de travail proportionnel à l’allongement de la vie (…) vous êtes réduits à proposer toute une série d’expédients“, s’est emporté le Premier ministre lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale (vidéo 1).
Le soir même Martine Aubry répliquait au JT de France 2 (vidéo 2) en dénonçant les contrevérités assénées par le Premier ministre et l’affolement de la majorité.
A défaut d’expédients, la cuisine socialiste repose sur quatre ingrédients : trouver de nouvelles ressources de financement, améliorer le taux d’emploi des seniors, prendre en compte la pénibilité des métiers et mettre en place la possibilité d’une retraite à la carte. “Il y a sept ans d’écart d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre“, a rappelé la patronne du PS.
Dans la même veine que François Fillon, Eric Woerth a joué les vierges effarouchées face à ce qu’il considère comme une bombe fiscale, “un choc fiscal sans précédent“. La rhétorique utilisée par la majorité est des plus classiques : accuser la gauche de démagogie en évoquant des recettes qualifiées de “virtuelles”.
Pour une fois en lien avec l’opinion publique, le PS appui là où ça fait mal, sur cette demande à la fois incernable mais bien réelle d’un effort partagé et équilibré dans la réforme des retraites. Le sujet est sérieux mais n’empêche pas Martine Aubry de savourer son effet en évoquant “un petit pétard sous les banques“. “Demander 3 milliards d’euros par an aujourd’hui aux banques, très franchement, chacun peut comprendre que c’est une oeuvre de justice.”
Plus que la solution technique proposée, qui mérite sans doute quelques corrections et ajustements, la proposition socialiste se démarque par son volontarisme et une foi affichée dans un avenir collectif maîtrisé et maîtrisable. Elle rompt, à tort ou à raison, avec un temps très récent où semblait n’exister aucune solution face à une mondialisation synonyme de remise en cause inévitable des acquis sociaux. Le document débattu lors du bureau national du PS est sans équivoque sur ce sujet : “Le discours anxiogène et culpabilisant de la droite cherche à imposer l’idée qu’une réforme des retraites devrait conduire à une régression sociale“.
Conscient du mouvement de balancier qui a bénéficié plus aux revenus du capital qu’à ceux du travail, le PS est tenté d’esquisser les contours d’une nouvelle société plus redistributive. Très logiquement donc le PS fait de la mise à contribution des revenus du capital la première ressource : augmentation des prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options, de 5% à 38%, relèvement du forfait social appliqué à l’intéressement et à la participation, application de la CSG aux revenus du capital, augmentation de la taxation de la valeur ajoutée. S’y ajoute une surtaxe de 15% de l’impôt sur les sociétés acquitté par les banques.
Le talon d’Achille de ces mesures, c’est de tabler sur des prélèvements supplémentaires au moment où il faudra également dégager de nouvelles recettes pour notamment sauver le système de santé.
Le projet socialiste ne promet pas pourtant de raser gratis. Il prévoit de mettre également à contribution salariés et entreprises à travers une augmentation d’un point étalée sur dix ans des cotisations salariales et patronales tout en rappelant que 62 % des plus de 55 ans n’ont plus de travail et que, par conséquent, cela ne sert à rien d’augmenter la durée de cotisation et de relever l’âge légal de départ à la retraite si tant de personnes sont sans emploi.
Habilement, Martine Aubry contrainte de trouver un point d’équilibre entre l’aile droite et l’aile gauche de son parti a introduit dans le dispositif socialiste une mesure qui n’écarte pas le fait que les salariés puissent travailler plus, sans pour autant renoncer d’entrée au totem de la retraite à 60 ans. Le texte socialiste évoque ainsi que “si un allongement de la durée de cotisation devait être envisagé, celui-ci ne devrait pas excéder la moitié des gains d’espérance de vie.”
La clause de revoyure évoquée en 2025 souligne qu’il serait illusoire de penser qu’une réforme en 2010 réglera sur le long terme la question des retraites tant celle-ci est lièe à la bonne santé économique du pays.
Dans la séance nationale de remue-méninges destinée à sauver le système collectif par répartition, le Medef par la voix de Laurence Parisot se distingue en se faisant le promoteur du système individuel de retraite par capitalisation . Une vision à l’opposée de celle de Danièle Karniewicz la présidente de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (71% des futurs retraités français) qui estime que le système de retraite par répartition français est le meilleur du monde.