La trace
Approche de ta main
la feuille blanche:
brume étale sur la prairie,
plaine de neige où va s’inscrire
le pas de l’errant, le sillage de sa fatigue,
ou bien le lac, cette eau de lune
où tremblent des reflets
qu’un vent de nuit tord et disloque.
Écoute,
penche-toi
et lève un peu, du même geste,
ta main veinée de noir
puisque la lampe veille,
qu’elle partage ombre et clarté
et tente une frontière
toujours poreuse.
Au loin, dans le silence,
un faible pas résonne,
trébuche, hésite
puis s’éteint sur la colline.
Que reste-t-il à dire?
Tout, rien: double et même vertige.
Pose pourtant la pointe de la plume
sur la brume, beau, la neige.
Attends le signe que le destin diffère.
Étroit le temps, menue la trace comme d’insecte sur le sable.
(Jean Joubert)