par Aurélien Véron
Devant le Bundestag, Angela Merkel a déclaré l'Union Européenne en danger. Rien de moins. Il faut dire que le gigantesque plan de sauvetage de l'Europe et du FMI n'a pas apaisé longtemps les marchés financiers. La remise en cause de l'indépendance de la BCE et la fracture politique de plus en plus apparente au sein de la zone euro ont largement nourri la défiance à l'égard de l'euro. Bref, la fête est finie. Quoi que nous pensions de nos atouts, la France n'échappera pas durablement à cette spirale correctrice. L'épargne mondiale perd confiance en la capacité du vieux continent à rebondir et à sortir de l'engrenage de la dette. De l'aveu même de Papandreou, l'utilisation des "fonds publics" et "des subventions européennes", "au lieu d'être utilisés pour le développement, ont fréquemment servi à acheter des maisons, des voitures, et à vivre dans le farniente". La crise financière, bien que née aux États-Unis, menace dorénavant les illusions européennes.
Seule à rassurer, l'Allemagne risque de payer cher sa caution offerte à la zone euro. Un sondage récent publié par die Welt montrait déjà que 91 % des Allemands souhaitent la sortie de la Grèce de l'euro. Après sa cuisante défaite en Rhénanie Westphalie, combien de temps la chancelière allemande parviendra-t-elle à défendre la cohésion européenne face à une opinion publique de plus en plus rétive ? Il en va pourtant de la survie de l'euro, ainsi que des banques européennes aux bilans lourdement chargés de dettes publiques. Si on la laisse seule entretenir la confiance des marchés, n'excluons pas qu'elle se désolidarise des pays qui se sont trop longtemps abrités derrière elle pour festoyer à crédit. La France et son arrogant petit caporal par exemple. Nous devons donc l'aider à convaincre les Allemands que la France redeviendra le partenaire fiable d'une dynamique européenne seule capable de surmonter la crise. Cette confiance ne sera pas restaurée avec des mots creux mais avec des mesures ambitieuses, à la hauteur des attentes de nos voisins d'outre-Rhin.
Depuis plus de trois décennies, la France connaît des déficits publics ininterrompus. De plusieurs dizaines de milliards d'euros avant la crise, ils atteignent dorénavant près de 150 milliards d'euros en rythme annuel. Les déséquilibres de nos comptes sociaux provoqués par le papy boom ne vont pas contribuer à inverser la tendance. Pour revenir à un excédent primaire, la réforme de l'État et des collectivités locales est nécessaire mais non suffisante. Les efforts vont devoir porter sur le cœur de notre dépense publique. En 20 ans, notre protection sociale est passée du quart au tiers du PIB de la France sans diminuer la pauvreté. Au contraire, elle aboutit au sentiment de paupérisation des classes moyennes et à la panne de l'ascenseur social. Elle a ajouté un fardeau sur les épaules des actifs stressés, et engendré un assistanat pervers. Le nombre de rmistes a ainsi régulièrement augmenté de 400.000 en 1989 à 1,2 million en 2008. Le moment est venu de tenir un discours de vérité aux Français. Leur réticence est naturelle lorsqu'ils subissent une avalanche de mesures dont ils ne comprennent pas le sens. Mais devant les évènements actuels, leur lucidité permet la tenue d'un véritable débat sur le recalibrage de notre protection sociale afin qu'elle soit mieux ciblée et moins coûteuse.
A côté de cette baisse structurelle de la dépense publique, la croissance doit être la priorité absolue de la France. Diminuer les aides sans libérer le marché du travail et le développement de nos entreprises nous mènerait en effet à un désastre social. Comme ligne directrice, il suffit de reprendre les préconisations jusqu'ici ignorées des rapports Camdessus, Cahuc-Kramarz, ou encore du plan Attali, fameuse actualisation du plan Armand Rueff. Réduire le chômage passe, plutôt que par la protection des emplois existants, par un allègement sensible des charges sociales et par une libération du marché du travail. Une première piste consiste à distinguer ce qui devrait constituer une assurance santé ou une épargne retraite individuelle de ce qui relève réellement de la solidarité nationale. Cette part devrait être financée par l'impôt, par exemple la TVA sociale, et non alourdir le coût du travail. Il n'est plus non plus acceptable que notre bureaucratie oblige un entrepreneur à consacrer le quart de son temps aux démarches administratives. Notre fiscalité dissuasive incite aussi de nombreux employeurs à limiter l'énergie qu'ils consacrent au développement de leur affaire, et donc les embauches. Les talents étouffés, les réservoirs de croissance et d'emplois sont ainsi considérables. Le gouvernement doit réactiver ce capital humain inexploité, source de toute croissance.
Seul un message clair, coordonné et radical sera susceptible de ramener la confiance des marchés et du reste du monde dans l'Europe et dans la France. Si le gouvernement français persiste à maintenir son modèle social, il doit expliquer aux Français les conséquences économiques et sociales d'une fin de l'euro sur leur qualité de vie. Face au fardeau colossal de la dette, notre pays risquerait de devoir confisquer une partie de son épargne, comme en Argentine où le gouvernement a confisqué l'assurance vie. Il risquerait surtout de devoir engager les réformes que nous préconisons aujourd'hui, mais dans une urgence qui ne permet pas une transition paisible. Les mois sont comptés, le gouvernement est seul responsable devant cette alternative incontournable : réformes structurelles choisies ou subies.