Les réformes gouvernementales se succèdent à un rythme effréné. Au fil du temps, la perspicacité guidant la plume du législateur le dispute à l’audace et à l’avant-gardisme. C’est avec des larmes de joie et le regard ébaubi que les citoyens assistent à cette modernisation bienfaitrice.
Dernière réforme en date dans l’éducation : la suppression des IUFM (i.e. les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres). Ce sont ces bâtiments austères, aux façades tapissées d’ennui, dans lesquels des milliers de jeunes professeurs allaient languir deux journées par semaine pendant leur année de stage.
Décriés depuis de nombreuses années, accusés de ne pas préparer les enseignants à la difficulté du métier, le gouvernement a décidé de prendre des mesures radicales : leur suppression pure et simple. “Votre enfant est morveux, dis le proverbe russe, qu’à cela ne tienne, arrachez lui le nez !”
L’année prochaine, nos futurs collègues, fraîchement nominés à l’issue du concours, auront donc la joie de faire leurs armes sur le terrain : 18 heures par semaine devant les élèves avec l’intégralité des cours à préparer. Comment n’y avons-nous pas pensé plus tôt ? La formation coûte cher ? Un stagiaire est improductif ? Supprimons simplement la formation.
Cette idée de génie est en train de faire école dans les autres ministères. Toujours dans un soucis d’économie, Roselyne Bachelot parle de supprimer les fac de médecine. Après une formation théorique, nos futurs chirurgiens pourraient apprendre les bases de la pratique directement sur les malades. La formation des militaires pourrait également être accélérée. La jeune recrue envoyée en Afghanistan aura toujours le temps d’apprendre à ouvrir un parachute ou monter une arme quand il sera dans l’avion pour Kaboul. (En espérant que le pilote d’avion n’aura pas de problème de navigation après son apprentissage sur Flight Simulator.)