"Prison Valley "

Publié le 19 mai 2010 par Eric Camel @AgenceAngie

Dix huit mois de travail ont été nécessaires pour mener à bien ce webdocumentaire à l’allure de road movie qui dresse le portrait de l’industrie carcérale américaine. Sur le fond, le projet Prison Valley est un remarquable et passionnant travail d’investigation. Alternant écrans panoramiques, split screen, caméra subjective ou encore photographies, l’exercice de style constitue, par ailleurs, une incontestable réussite visuelle.


L’ interactivité au cœur du dispositif Web

 
Disponible au choix sous la forme d’un récit linéaire de 59 minutes (diffusé le 12 juin prochain sur Arte) ou d’une exploration interactive offrant de multiples chemins de traverse, Prison Valley prend soin de placer le spectateur au cœur d’un dispositif interactif très bien ficelé qui garantit une expérience unique.
Plantant le décor initial dans une chambre de motel, le spectateur est invité à s’enregistrer (on appréciera les modules Facebook Connect et Twitter Connect) et ainsi activer les bonus : débats, chats, portfolios… La création de ce compte utilisateur permet également d’enregistrer sa progression dans Prison Valley sans avoir à recommencer depuis le début à chaque nouvelle visite.
S’offrent alors au spectateur, devenu acteur de la narration, la possibilité de façonner son expérience aux détours des différents contenus additionnels qui lui sont proposés : témoignages, ressources documentaires, éléments sonores… Le visiteur peut également échanger ses impressions en direct, poser des questions aux «personnages» (« qui y répondront ou non », dixit David Dufresne un des deux instigateurs du projet avec Philippe Brault).
 


Un déploiement
multicanal
Au-delà de l’expérience interactive proposée par Prison Valley, c’est le dispositif dans sa globalité qui force l’admiration. Plus de 6 mois auront été nécessaires pour bâtir l’ensemble de l’interface.
S’appuyant sur les désormais incontournables page Facebook, compte Twitter et autres applications iPhone , Prison Valley place également l’internaute au centre des débats par l’intermédiaire d’un forum, d’un blog et d’un chat hebdomadaire qui permettent d’échanger avec des acteurs du monde judiciaire et pénitentiaire tels que Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la Justice, l’Observatoire international des Prisons… L’ensemble de ces outils permet de pousser plus loin encore la réflexion sur la situation carcérale et de jeter les ponts entre la réalité de Prison Valley et notre réalité française

En complément de ce dispositif, les partenaires du projet que sont FranceInter.com, Liberation.fr et Yahoo.fr ont été mis à contribution pour assurer une visibilité significative au projet.
On pourra opposer au dispositif Web une navigation pas toujours intuitive, l’utilisateur se perdant parfois en route, mais n’est-ce pas finalement là l’essence même de ce projet interactif à tiroirs ?
Un pari financier ?
Prison Valley soulève légitimement la question du modèle économique du format webdocumentaire. Avec un budget de 230 000 euros, Prison Valley apparaît comme un pari financier tant le genre semble encore dépourvu d’une économie solide.
Le CNC a financé à ce jour 90 000 euros d’aide à la production en complément des 19 500 euros en aide à l’écriture perçus par les 2 auteurs. Arte.tv a financé le projet à hauteur de 70 000 euros, la chaîne Arte a acheté 20 000 euros la diffusion de la version télé (aide aux frais techniques et achat compris). Le producteur Upian a donc dû prendre en charge la différence, notamment en apport en industrie.

Mais ne laissons pas ces considérations financières altérer notre plaisir de spectateurs et souhaitons que les ventes internationales du documentaire télé et du livre à paraître permettront au projet d’atteindre l’équilibre financier afin que d’autres initiatives similaires continuent à voir le jour. Une chose est sûre, Prison Valley constitue d’ores et déjà un modèle du genre et marquera de son empreinte l’histoire du webdocumentaire interactif.

Delphine Pinel