La ville de Montreuil n’a que faire des querelles politiciennes. Dominique Voynet contre Jean-Pierre Brard, l’ancien maire ? Mouna Viprey, ancienne socialiste, contre la municipalité qu’elle a soutenue pendant deux ans ? Nous nous en moquons éperdument. En revanche, nous sommes concernés, et même passionnés par l’avenir de cette ville si proche de Paris, où est en train de se jouer une certaine idée de la ville.
Sans la moindre concertation, dans une opacité insupportable, alors même qu’elle ne représente plus guère que 20 % des électeurs de la ville depuis que ses alliés l’ont quittée, madame Voynet, notre maire, entend révolutionner Montreuil pour des décennies. Après avoir concocté un plan dans le secret des bureaux municipaux, voilà qu’elle annonce un projet d’urbanisme délirant, portant sur près du quart de la ville – 200 hectares au total -, qui décidera du visage de notre ville pour les cinquante ans qui viennent. Le coût de cet ensemble nommé « Les Hauts de Montreuil », qui sent si fort la promotion immobilière, est estimé par la mairie elle-même à deux milliards d’euros, pour commencer. Même si Montreuil ne saurait payer seule la facture, cela reste impensable pour une ville déjà gravement endettée.
Évidemment, il s’agit d’une fuite en avant, qui tourne le dos à tous les engagements de « faire de la politique autrement ». Si l’on devait accepter le diktat de madame Voynet, il faudrait aussi approuver les délires du secrétaire d’État chargé du « Développement de la région capitale », Christian Blanc, qui entend bouleverser toute l’Île-de-France par une rocade de métro géante, sans aucune consultation préalable. Ce sont les mêmes méthodes. Et ce serait le même désastre.
Ne croyez pas les arguments de bonimenteurs de la Ville, qui ose parler de la construction du « plus grand écoquartier d’Europe ». À la vérité, aucun effort n’a été mené pour réduire en profondeur l’empreinte écologique de Montreuil, ce qui passerait par une rénovation énergétique massive des cités HLM de la ville. Et des transports publics enfin adaptés aux défis du dérèglement climatique. Mais la question n’est même pas abordée. Quant au prodigieux héritage des murs à pêche – plus de 35 hectares de nature « possible » aux entrées de Paris – il serait réduit à 21 hectares mités de constructions, sans aucune garantie pour l’avenir. Une telle mascarade a une explication simple : tout a été ficelé en coulisses, en faisant appel aux « compétences » de grandes transnationales spécialisées dans l’eau et les déchets. Que Montreuil ouvre ses livres et le compte-rendu de ses réunions secrètes ! On y verra dès lors un peu plus clair. Dans l’état actuel des choses, le projet provoquerait une immense spéculation foncière et immobilière qui, probablement, changerait le fondement social de Montreull, auquel nous sommes tant attachés. Cette ville est populaire, ouvrière, et doit le rester.
Après un tel réquisitoire, reste-t-il une place au débat ? Oui, nous le pensons. Oui, nous l’espérons de toutes nos forces. Notre but n’est pas de faire tomber une mairie ou de favoriser un autre courant. Notre but, notre seul parti, c’est celui d’une ville solidaire, démocratique, réellement écologiste. Nous en sommes très loin. Il n’est pas concevable pour nous de discuter dans le cadre insupportable décrété par la ville. Oui, il y a des besoins. Oui, il faut enfin réunir le haut et le bas de Montreuil. Oui, l’arrivée certaine du tram jusqu’au quartier des Ruffins est une grande chance. Oui, les murs à pêche méritent un concours international d’architectes paysagistes. Mais non, cette discussion n’aura pas lieu sous le fouet ou la contrainte. Il n’y a aucune autre urgence que celle de la démocratie. Discutons. Prenons le temps. Abandonnons ensemble ce funeste projet, et bâtissons ensemble l’avenir de cette ville chère à notre cœur. Tous ensemble, tous ensemble, oui !
Le 18 mai 2010