" Contrairement à ce que l'on pense, un livre de nouvelles est vraiment un livre, avec un thème et une forme. Si les nouvelles ont une autonomie qui permet qu'on les lise séparément, elles participent chez moi d'un projet global, lequel a son début, son milieu et sa fin"
Assurément.
S'il est un genre qui sied à Eric-Emmanuel Schmitt , c'est celui de la nouvelle. La fulgurance des étincelles de génie - entendez l'argument - s'y déploie, soutenue d'une puissance narrative continue. Exit le remplissage : " La nouvelle est une épure de roman, un roman réduit à l'essentiel."
Guère étonnant, partant, que le romancier se soit vu attribuer le Prix Goncourt de la Nouvelle (il lui sera remis le 25 septembre 2010): la célébrité n'exclut pas le génie.
Hommage au concerto éponyme d'Alan Berg et titre d'une des nouvelles, Le concerto à la mémoire d'un ange décline le mythe de Caïn et Abel alias Chris et Axel et pose la question de la possible rédemption.
Brinvilliers réincarnée, Marie Maurestier empoisonne ses maris et la vie de Gabriel, l'angélique curé commis à sa rédemption. (L'empoisonneuse)
Une machiavélique Guerre des Rose, perfide et feutrée, oppose Catherine et Henri Morel, couple présidentiel et parfait d'Un amour à l'Elysée.
Avec Le retour, conte moral, Eric-Emmanuel Schmitt pose magistralement la question - gênante- de la préférence parentale: un père apprend la mort d'une de ses quatre filles sans savoir de laquelle il agit. S'ensuit la relation d'une brillante introspection aussi dérangeante que salvatrice.
Si la figure de Sainte Rita - accommodée à différentes sauces - parcourt les quatre nouvelles, c'est surtout le thème du libre arbitre qui lie les récits, du forfait originel à son possible amendement.
Un Journal d'écriture clôt le recueil qui rétro-éclaire ...brillamment la lecture des nouvelles.
A.E.
Concerto à la mémoire d'un ange, Eric-Emmanuel Schmitt, nouvelles, Albin Michel, mars 2010, 20 €